Après environ deux heures de délibérations seulement, le jury du procès contre le constructeur aéronautique Boeing a octroyé, mercredi 12 novembre, 28,45 millions de dollars (24,56 millions d’euros) d’indemnisation à Soumya Bhattacharya, veuf de Shikha Garg l’une des victimes du crash du 737 MAX 8 d’Ethiopian Airlines. Le 10 mars 2019, ce vol ET302 entre Addis Abeba et Nairobi s’était écrasé au sud-est de la capitale éthiopienne six minutes après le décollage, tuant les 157 personnes à bord, originaires de 35 pays.
« Nous sommes satisfaits de ce verdict. Nous sommes venus ici pour avoir un procès avec un jury et c’est tout à fait acceptable », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) M. Bhattacharya, le veuf de Shikha Garg, après l’énoncé du verdict.
Il s’agissait du seul dossier finalement examiné par un jury composé de cinq femmes et trois hommes, alors que la seconde plainte programmée avait fait l’objet d’un accord à l’amiable au soir du deuxième jour du procès. Son avocat, Shanin Specter, avait réclamé mercredi matin lors de sa plaidoirie entre 80 et 230 millions de dollars.
De son côté, Dan Webb − avocat principal de Boeing − avait proposé 11,95 millions (10,32 millions d’euros). Dès ses propos liminaires en ouverture du procès, ce dernier avait indiqué que l’avionneur était « d’accord (…) sur le fait que Boeing devrait payer une compensation importante » mais « nous sommes simplement en désaccord sur le montant ». Lors de sa plaidoirie, il a exprimé les « regrets » de Boeing envers les victimes et s’est tourné vers le veuf de Shikha Garg pour lui présenter les excuses du constructeur.
« Nous sommes terriblement désolés pour tous ceux qui ont perdu un être cher » dans les deux crashes, a également réagi un porte-parole du constructeur après le verdict. « Bien que nous ayons réglé la vaste majorité des plaintes par des transactions, les familles ont aussi le droit de mener leurs plaintes jusqu’au tribunal pour obtenir dédommagement, et nous respectons » cela, a-t-il ajouté.
Un de mes plus grands regrets, de ne pas avoir pu être avec elle
Ce procès, qui se tenait depuis le 3 novembre devant un tribunal fédéral civil de Chicago (Illinois), était le premier procès au civil contre l’avionneur américain après ce crash et celui, en octobre 2018, d’un autre 737 MAX 8 de la compagnie indonésienne Lion Air. Dès 2019, le groupe avait admis qu’un logiciel antidécrochage avait contribué à ces accidents, qui ont fait 346 morts au total.
Agée de 32 ans et mariée trois mois avant l’accident avec son concubin de six ans, Shikha Garg était consultante pour un programme de développement de l’ONU. Elle se rendait, comme beaucoup de victimes, à l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (ANUE) à Nairobi, et préparait un doctorat consacré aux énergies renouvelables.
Le couple avait fait connaissance via leur travail pour les Nations unies. M. Bhattacharya devait être du voyage fatidique mais avait annulé au dernier moment, pour des raisons professionnelles. « C’est l’un de mes plus grands regrets, de ne pas avoir pu être avec elle », a-t-il témoigné au procès.
Plusieurs milliards de dollars versés aux ayants droit
Si des proches de 155 victimes ont déposé plainte contre Boeing entre avril 2019 et mars 2021 − pour mort injustifiée et négligence, entre autres − il n’en restait plus que onze plaintes encore ouvertes au début du procès. Trois supplémentaires ont, depuis, fait l’objet d’une transaction hors tribunal et une, désormais, d’un verdict favorable.
Plusieurs dizaines de plaintes civiles ont aussi été déposées aux Etats-Unis après l’accident de Lion Air, une seule cependant reste ouverte. Le 29 octobre 2018, ce vol JT-610 s’était abîmé peu après son décollage de Jakarta au large de l’Indonésie faisant 189 morts.
Boeing assure avoir versé « plusieurs milliards de dollars » aux ayants droit, en plus des sommes allouées dans une procédure fédérale pénale au Texas. Dans ce volet, portant sur les deux accidents, le juge a ordonné le 6 novembre l’abandon des poursuites, faisant droit à une requête du ministère américain de la justice. L’accord entre Boeing et le ministère, annoncé en mai, prévoit notamment le versement de 1,1 milliard de dollars, dont 444,5 millions supplémentaires pour un fonds d’indemnisation des familles.









