Des milliers de manifestants à travers toute la France ont bravé le froid samedi 22 novembre pour exprimer leur colère face à la persistance des violences contre les femmes et réclamer un plus grand effort public, notamment budgétaire, contre ce fléau.
« On est en 2025, est-ce qu’il est encore normal de compter nos mortes ? », a dénoncé juste avant le départ de la manifestation parisienne Sylvaine Grévin, présidente de la Fédération nationale des victimes de féminicides, qui a perdu sa sœur en 2017.
A Paris, plusieurs milliers de manifestants – 50 000 selon les organisateurs, les chiffres de la préfecture n’étant pas encore connus – ont défilé dans un froid glacial à l’appel du collectif Grève féministe, qui regroupe une soixantaine d’organisations. A Bordeaux, les manifestants étaient au total 1 300 sur deux rassemblements, selon la préfecture, tandis qu’à Lille ils étaient environ 300, avec partout la couleur violette, symbole du féminisme.
Une hausse des féminicides
Selon les derniers chiffres officiels publiés jeudi par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), le nombre de féminicides conjugaux a augmenté de 11 % entre 2023 et 2024, avec 107 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Une femme est victime toutes les deux minutes de viol, tentative de viol ou d’agression sexuelle et toutes les vingt-trois secondes de harcèlement sexuel, d’exhibition sexuelle ou d’envoi non sollicité de contenus à caractère sexuel, selon la Miprof.
« Les violences et l’impunité des agresseurs persistent huit ans après l’élection d’Emmanuel Macron, dénonce le collectif Grève féministe. La plupart du temps, encore, les victimes ne sont pas crues, les plaintes classées sans suite. »
Quant aux violences sexistes et sexuelles, elles « surviennent partout, et tout le temps : dans nos espaces familiaux, sur nos lieux de travail et d’études, dans l’espace public, dans les transports, dans les établissements de soins, les cabinets gynécologiques, dans les maternités, dans les ateliers des chaînes d’approvisionnement des multinationales, dans les commissariats… ».
Demande de réels moyens financiers
Les associations réclament l’adoption d’une loi-cadre intégrale contre les violences, un budget de 3 milliards d’euros pour la mettre en œuvre, l’effectivité des séances d’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité ou encore l’arrêt de la baisse des financements des associations qui accompagnent les victimes.
Le faible taux de poursuites des auteurs de violences sexuelles en France a été jugé en septembre « particulièrement préoccupant » par le Conseil de l’Europe, qui a appelé Paris à prendre des « mesures urgentes ».
L’annonce d’une prochaine loi par Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité femmes-hommes, est accueillie avec scepticisme ou méfiance par les associations, qui demandent « de réels moyens financiers » pour accompagner le texte. « On sait que c’est une récupération politique. C’est bien beau d’annoncer des mesures autour de dates importantes, comme le 25 novembre [la Journée internationale contre les violences faites aux femmes], quand on voit que les politiques publiques pour lutter contre les violences de genre depuis des années ne sont pas mises en place », a estimé dans le cortège parisien Yelena Mandengué, membres de #Noustoutes.
Le budget de l’Etat actuellement en discussion au Parlement, « s’il était adopté, se traduirait par des reculs massifs pour les droits des femmes, parce que de nombreuses associations verraient leurs crédits remis en cause », a averti de son côté Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, venue défiler à Paris en compagnie notamment de Marilyse Léon, son homologue de la CFDT, et de Murielle Guilbert, codéléguée générale de Solidaires.
La Fondation des femmes estime à 2,6 milliards par an le budget minimal que l’Etat devrait consacrer à la protection des victimes de violences conjugales, sexistes, et sexuelles en France, « soit 0,5 % du budget de l’Etat ».








