Une sensation de honte qui ne fait que grandir m’accompagne depuis avril 2022. J’ai compris que les démocraties occidentales attaquées par la Russie préféraient que Vladimir Poutine ne perde pas la guerre qu’il avait engagée le 24 février. Les chefs d’Etat de l’Union européenne avaient dit « craindre l’escalade » et craindre d’« humilier la Russie », comme si une défaite de Poutine pouvait humilier la Russie et non pas l’état présent de la Russie, ce pays de misère et de terreur toujours croissantes, et comme si l’Ukraine était une variable d’ajustement, une circonstance regrettable mais sans aucune incidence sur notre vie à nous.
Cette honte est devenue noire après septembre 2022. Les victoires militaires de l’Ukraine, libérant des territoires dévastés par six mois d’occupation russe ont été suivies d’un enlisement dû à l’arrêt des fournitures militaires au moment où elles étaient le plus indispensables.
Les Russes se sont remis de leurs défaites et avancent sur le terrain, très lentement, avec des pertes hallucinantes – mais, il faut croire, pas pour eux – sans pourtant que leur but change. Ils ne veulent pas seulement effacer toute trace d’indépendance ukrainienne et reconstruire, conflit après conflit, l’Empire russe. Ils veulent anéantir la démocratie partout en Europe, en commençant par l’Ukraine, parce que, justement, en Ukraine, en dépit de la corruption endémique, ce qui était en train de s’instaurer était bien un régime démocratique. Un régime dans lequel les nationalistes héritiers du nazisme n’avaient plus un seul siège au Parlement. Cette guerre de terreur, de dévastation totale, est bien déchaînée contre ça, contre l’idée que les élections peuvent ne pas être truquées, et que toute personne puisse exprimer son opinion sans craindre pour sa vie. Contre ce qui fait notre vie sans que nous y pensions nous-mêmes. Nous cherchions à amadouer le monstre, à le raisonner. Le résultat est là.
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