La revue des revues. Une fois encore, la revue Reliefs nous invite à prendre le temps d’observer le monde, et s’aventure désormais parmi les « merveilleux nuages » chers à Charles Baudelaire. Dans une tribune aux airs de « pétition poétique », l’ancien avocat et écrivain Mathieu Simonet inaugure ce dossier en plaidant pour un droit international des nuages. Le projet est bien plus sérieux qu’il n’y paraît : la question de leur ensemencement, soit la pulvérisation de particules, notamment d’iodure d’argent, dans le but de déclencher des précipitations, est aujourd’hui au carrefour d’enjeux climatiques et géopolitiques complexes.
La maîtresse de conférences en littérature Anouchka Vasak explore, elle, la porosité de la frontière entre imaginaires et régimes de scientificité qui caractérise l’histoire des nuages. Elle analyse la manière dont ces « objets-limites » deviennent au tournant du XIXe siècle des sujets de prédilection pour les physiciens sans jamais cesser d’être des sources de fascination artistique et religieuse. Ces scientifiques, selon une passion toute naturaliste, opèrent des classifications strictes encore en vigueur aujourd’hui. Pourtant, la nature des nuages est mouvante et évolutive : on sait même qu’elle se voit aujourd’hui redéfinie par l’action humaine, expliquent les climatologues Olivier Boucher et Marie Doutriaux-Boucher. Ces objets célestes que nous contribuons à façonner nous influencent à leur tour, en jouant un rôle de régulateurs et d’amplificateurs du réchauffement climatique.
Impératifs belliqueux
Objets de rêveries et de savoirs, les nuages sont aussi des lieux. Cumulus, nimbus et cirrus peuplent un ciel que les humains rêvent de modifier au gré de leurs envies depuis, au moins, le haut Moyen Age : la chercheuse Marine de Guglielmo Weber évoque une ordonnance dans laquelle l’empereur Charlemagne (768-814) interdit l’utilisation des cloches d’église pour dissiper les orages et prévenir la grêle, preuve de la prégnance de ces pratiques dans les campagnes carolingiennes.
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