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Incarnation de l’ivresse d’une séduction estivale, ce « vin de l’été » s’écoute comme on regarderait un western mâtiné d’érotisme psychédélique. Premier rôle féminin, Nancy Sinatra, blonde platine aux yeux agrandis par le mascara, donne en préambule la recette de son philtre d’amour : « Strawberries, cherries and an angel’s kiss in spring » (« des fraises, des cerises et un baiser d’ange au printemps »), à la fois promesse de douceur fruitée et d’extase céleste.
Arrive un cow-boy aux éperons d’argent et à la voix grave, campé par Lee Hazlewood (1929-2007), qui ne tardera pas à céder à la tentatrice. La tête a beau lui tourner, au point de ne plus pouvoir parler et de ne plus sentir ses jambes, il continue de s’enivrer de ce nectar, ensorcelé par l’expérience charnelle. Avant un réveil difficile, au petit matin, où délesté de ses éperons, attributs de sa fierté virile, le cavalier sonné ne se languit pas moins de ce « summer wine ».
Bijou de pop narrative, nourrie de country et de cinémascope, publié en 1967, après une première version enregistrée, un an avant, par Hazlewood et sa petite amie de l’époque, Suzi Jane Hokom, cette chanson est l’un des sommets de la fructueuse collaboration que cet auteur-compositeur-interprète et producteur, originaire de l’Oklahoma, entretint avec la fille de Frank Sinatra (1915-1998). Lequel avait d’ailleurs demandé à son ami Lee d’aider Nancy à faire décoller sa carrière.
Une pin-up fatale
Pour la sortir de son image d’ingénue aux refrains bubble-gum, ce baroudeur aux mille vies (ancien de la guerre de Corée, DJ, musicien, producteur de disques…) conseillera à sa nouvelle protégée de « chanter pour les camionneurs ». Il lui fournira pour cela une collection de chansons magnifiant autant le mystère que le sex-appeal d’une pin-up fatale. Après un premier hit resté un classique, These Boots Are Made for Walkin’ (1965), plusieurs autres suivront, dont une série de duos – Jackson ; Sundown, Sundown ; Ladybird ; Some Velvet Morning… – jouant du contraste entre la pimpante chanteuse et la voix de basso profundo du moustachu. Le tout agrémenté des arrangements classieux et créatifs du guitariste Billy Strange (1930-2012), membre du Wrecking Crew, des instrumentistes de pointe ayant, entre autres, officié pour Phil Spector (1939-2021) et les Beach Boys.
A la fois imprégnée de Nashville et des musiques de films (westerns, drames romantiques, mais aussi du thème de James Bond), Summer Wine met en scène un scénario qui, au-delà du décor ouest-américain, saisit l’essence simultanément éphémère et persistante d’un amour d’été. Une nostalgie sensuelle célébrée lors de nombreuses reprises.
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