ARTE.TV – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE
Pas un plan du film sans qu’un animal vienne s’immiscer dans le champ. Chiens, chats, moutons, chèvres, boucs, chevaux : ils sont plusieurs centaines à vivre avec la famille Jeannerat, un couple de bergers et leurs enfants installés dans les Alpes suisses, que le réalisateur Eric Guirado (Le Fils de l’épicier, 2007, Possessions, 2011) a filmés pendant plusieurs mois.
Il y a le père, Damien, barbe fournie, dreadlocks retenues par un foulard, muscles saillants et teint tanné par la vie au grand air ; la mère, Claire, anglaise, émotivité à fleur de sa peau diaphane, longs cheveux blonds, silhouette svelte sans cesse en mouvement ; et leurs trois enfants âgés de 6 à 10 ans, Léo, Amélie et Isaac, qui partagent leurs jeux avec les animaux, certains étant autorisés à franchir le seuil de la maison.
Le documentaire débute par une séquence spectaculaire : nous sommes sur les hauts sommets valaisiens au moment où un hélicoptère vient déposer, au milieu de nulle part, un refuge en bois. C’est là que va vivre Damien, accompagné de sa dizaine de chiens, pendant cinq mois, la durée de la période d’estive de son troupeau. Cinq mois pendant lesquels Claire devra gérer au quotidien l’éducation des enfants, les accompagner au car qui les conduit à l’école, mais aussi s’occuper des chevaux et des chèvres restés dans la vallée.
Confidences
Le réalisateur alterne scènes filmées en altitude avec Damien et ses bêtes, moments saisis au sein de la cellule familiale, privée du père, et instants de retrouvailles quand Claire et les enfants montent, certains week-ends, le retrouver − et le ravitailler. Ces séquences sont ponctuées de confidences des deux adultes qui, chacun de son côté, livrent à la caméra leurs réflexions sur cette vie peu ordinaire, ses joies et ses frustrations.
« Beaucoup de gens n’aimeraient pas rester comme ça, à pas faire grand-chose. Moi je ne me sentirais pas à ma place de faire autre chose », dit Damien, le regard perdu au loin sur les paysages grandioses où paissent ses troupeaux. « Je suis contente pour les animaux qui peuvent brouter de la belle herbe, mais se retrouver seule à la maison avec les enfants, parfois, c’est dur », avoue Claire, qui ne cache pas souffrir de cette séparation.
La caméra s’attache à saisir la relation affective intense liant ce couple de bergers à ses bêtes qui ne connaîtront pas l’abattoir. « On a besoin des animaux à la montagne, ils nous rendent heureux », tranche Damien. La mort accidentelle d’un bélier, Diego, après une chute sur un versant escarpé, plonge Claire dans une grande tristesse. « Il faut rester sur ces moments de bonheur que l’animal t’a apportés, se console-t-elle. Mais quand tu aimes, tu as le cœur brisé. »
Dommage qu’Eric Guirado s’en tienne à ce tableau. Si attachante cette famille soit-elle, on aurait aimé savoir comment, avec les moyens dont elle dispose – une grande maison, une immense étable, des terrains spacieux… –, elle équilibre son budget. Nulle collecte de lait, fabrication de fromages ou vente de bêtes susceptible de générer des entrées d’argent. Si les frustrations affectives sont clairement (et un peu trop) évoquées, le prix à payer financièrement pour cette vie atypique restera un mystère.
Bergers en famille, documentaire d’Eric Guirado (Fr., 2024, 58 min). Disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 5 septembre.