Tous les rideaux de la maison sont tirés. Dans le salon, Emilie Hue, vêtue d’une longue robe d’été et de tongs, humidifie avec un brumisateur le visage de sa fille de 4 ans. Dehors, la température a atteint les 38 degrés dans le village de Châtenoy, près d’Orléans. Une journée caniculaire. Ce lundi 12 août, le Loiret est placé en vigilance orange.
Il faut boire régulièrement de l’eau, martèlent les autorités. Mais, depuis cinq ans, la famille Hue ne consomme plus ce qui sort de son robinet. « Chaque jour, c’est la surprise », dit avec un rire nerveux Nicolas Hue, le conjoint d’Emilie, en ouvrant celui de l’évier de sa cuisine.
Ce jour-là, l’eau est claire. Mais, au moins une fois par mois, une boisson qui a « une couleur marron ou celle du pétrole » surgit de façon aléatoire dans le lavabo, la baignoire ou encore la machine à laver. « Ça tache le linge et l’électroménager, c’est difficile à nettoyer et en plus l’odeur est très désagréable, s’exaspère-t-il. Vous auriez envie de la boire ou de vous laver avec, vous ? »
Depuis 2019, date de la fermeture de l’unité de traitement de Châtenoy et des communes voisines de Sury-aux-Bois et de Combreux, à cause d’un système de filtration défectueux, l’eau potable qui leur est distribuée est ponctuellement contaminée par de fortes concentrations de manganèse. Résultat, jusqu’à 1 921 microgrammes par litre de ce métal, naturellement présent dans certains sols, ont été mesurés par l’agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire, alors que la limite recommandée à ne pas dépasser en France est de 50 microgrammes par litre.
Au-delà de ce plafond, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) prévient que les adultes, surtout les personnes âgées, peuvent développer des troubles neurologiques, comme le manganisme. Les femmes enceintes risquent de donner naissance à des bébés de faible poids. Chez les jeunes enfants de moins de 4 ans, en particulier les filles, l’Anses précise que la consommation d’eau chargée en manganèse peut entraîner « des déficits psychomoteurs et neuropsychologiques » et « un effet délétère sur le quotient intellectuel ».
Gaz cancérogène
A Châtenoy, au manganèse s’ajoute un second problème : une contamination au chlorure de vinyle monomère (CVM). « Un mal invisible », souligne Nicolas Hue, car ce gaz est incolore. Si le recours à ce produit chimique a considérablement diminué aujourd’hui, il était utilisé en grande quantité pour fabriquer des canalisations en PVC avant les années 1980. Or, de nombreux tuyaux du réseau d’eau de Châtenoy datent des années 1970. Plus les canalisations sont vieilles, plus le risque est important que du CVM s’échappe des tuyaux. Surtout si l’eau y stagne trop longtemps.
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