A Barsalogho, les civils n’ont pas eu le temps de finir de creuser la vaste tranchée censée protéger leur village des attaques djihadistes récurrentes. Dimanche 25 août, une vidéo montrant des dizaines de cadavres gisant dans un large fossé en cours de construction autour de cette localité du centre-nord du Burkina Faso a circulé sur les réseaux sociaux. A côté de corps inertes en tenue civile, on peut y voir des pioches et des pelles abandonnées, mais aussi des hommes armés de kalachnikovs, sur fond de bruits de tirs.
La veille au matin, plusieurs dizaines d’hommes à moto ont mitraillé ces civils qui, comme ceux des autres zones menacées par les groupes djihadistes, avaient été incités à creuser des tranchées de défense par le capitaine Ibrahim Traoré, le chef de la junte au pouvoir à Ouagadougou. Selon les sources sécuritaires et humanitaires burkinabées et ouest-africaines contactées par Le Monde, le bilan fluctue de cent à plusieurs centaines de morts.
De quoi en faire un des assauts les plus meurtriers des djihadistes contre des civils depuis l’attaque de Solhan (nord-est). En juin 2021, 160 personnes avaient été tuées lors de cette tuerie attribuée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaïda) mais qui n’a jamais été officiellement revendiquée. Dans un message diffusé sur les réseaux sociaux samedi, le groupe commandé par le djihadiste malien Iyad Ag Ghali a cette fois annoncé avoir pris le « contrôle total du quartier général des milices burkinabées à Barsalogho », sans donner davantage de précisions.
Le ministre de la communication, Jean Emmanuel Ouedraogo, s’est pour sa part contenté de préciser que « la plupart des victimes sont des civils innocents, des femmes, des enfants, des hommes, des personnes âgées », lors d’une interview réalisée à l’hôpital de Kaya dimanche et diffusée dans la foulée sur les antennes de la télévision nationale. A ses côtés au chevet des centaines de blessés qui y ont été transférés, le ministre de la sécurité, Mahamadou Sana, a quant à lui admis « plusieurs » morts et blessés dans les rangs de l’armée et des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP, les supplétifs civils de l’armée) et promis une riposte.
Un cycle de vengeance infernal
Peinant à empêcher la dégradation sécuritaire à travers son pays, le capitaine Ibrahim Traoré avait personnellement encouragé ses compatriotes à creuser des tranchées autour de leurs villages pour limiter les incursions djihadistes et favoriser la riposte de l’armée. « Il faut que tout le monde se mette à la tâche […] Je ne veux plus entendre “On est attaqués”. Vous allez mobiliser vos populations pour creuser des tranchées et vous protéger le temps que les machines [commandées] arrivent chez vous », avait ordonné, fin mai, le jeune président de transition face aux représentants des VDP convoqués pour l’occasion à Ouagadougou.
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