Les situations d’impasse thérapeutique dans le cadre d’infections bactériennes sont de plus en plus fréquentes à cause de l’inefficacité des antibiotiques disponibles face à des germes résistants. Parallèlement, l’industrie pharmaceutique peine à trouver de nouvelles molécules. L’exemple de M. Y, hospitalisé au CHU de Lille, en décembre 2023, pour une énième récidive d’infection de sa prothèse de genou, est révélateur. Pour ce patient, la guérison complète passe par le retrait de la prothèse et l’amputation. Toutefois une alternative lui a été proposée : la phagothérapie.
Découverte par Félix d’Hérelle en 1915, alors qu’il travaillait à l’Institut Pasteur, la phagothérapie consiste à utiliser des virus particuliers, les bactériophages, qui sont naturellement présents dans l’environnement et détruisent de façon ciblée les bactéries sans avoir d’effets délétères sur les cellules humaines. Malheureusement, cette thérapeutique a été délaissée en Occident au profit des antibiotiques, au spectre d’action beaucoup plus large, alors que dans certains pays comme la Géorgie, la phagothérapie a continué d’être utilisée. Mais l’absence d’études cliniques prospectives prouvant formellement l’efficacité de la phagothérapie reste actuellement un obstacle à son adoption par la communauté médicale. Cependant, la situation est en train de changer.
En 2016, interpellée par des médecins, des industriels et des associations de patients, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) convoque le premier comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) consacré à la phagothérapie. Les experts ouvrent la voie à une « stratégie de mise à disposition précoce de bactériophages pour des situations compassionnelles, en impasse thérapeutique, avec un cadre d’utilisation défini ».
Accès difficile
Durant les deux années suivantes, quarante-cinq demandes de phagothérapie sont adressées à l’ANSM et seulement une douzaine de patients bénéficient de l’administration de bactériophages, issus majoritairement de la société Phaxiam, l’unique fournisseur français. En 2019, un nouveau CSST constate que l’effectif de patients traités au regard du nombre de situations éligibles demeure faible, notamment à cause de la quasi-indisponibilité de bactériophages validés. Il se conclut sur la nécessité de créer une « plate-forme nationale d’orientation et de validation du recours aux bactériophages (…) qui pourrait à terme travailler à la mise en œuvre d’une production académique ».
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