Avec seulement 2,1 millions d’habitants, soit 2,5 % de la population du pays, la Thuringe est l’un des Länder les moins peuplés d’Allemagne. Les élections qui s’y dérouleront, dimanche 1er septembre, n’en sont pas moins attendues avec une grande fébrilité. D’abord, parce que le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), dirigé par l’ultraradical Björn Höcke, a de bonnes chances d’arriver en tête, les derniers sondages le créditant de 30 % des voix, soit 7 points de plus qu’aux élections régionales de 2019. Ensuite, parce qu’une toute nouvelle formation, l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), fondée il y a seulement sept mois, frôle les 20 % d’intentions de vote. Une percée qui, si elle se confirme dans les urnes, risque d’avoir des répercussions bien au-delà des frontières de cette petite région de l’ex-République démocratique allemande (RDA).
Situer politiquement le BSW n’est pas une mince affaire. Sur les questions économiques et sociales, il ne se distingue guère de Die Linke (« la gauche »), ce qui n’est pas étonnant dans la mesure où Sahra Wagenknecht fut pendant des années l’une des figures les plus influentes de ce parti dont elle animait l’aile la plus orthodoxe, la Plate-forme communiste, fidèle à l’héritage de Karl Marx.
En matière sociétale, en revanche, le BSW assume un positionnement plus conservateur, Sahra Wagenknecht ayant elle-même quitté Die Linke, fin 2023, parce qu’elle estimait que son parti était devenu le porte-voix d’une « gauche lifestyle, engagée pour la diversité et l’ouverture des frontières, et contre le racisme et le changement climatique ». Des causes certes « honorables », mais qui, selon elle, « intéressent principalement les milieux éduqués des grandes villes », au risque de « créer du ressentiment chez les gens moins privilégiés, qui ont l’impression qu’on ne leur parle pas des vrais problèmes du quotidien ».
Dans la rurale Thuringe, couverte de vastes forêts et dépourvue de grandes métropoles, ce discours est porteur. Née elle-même à Iéna, la capitale économique de la région, Mme Wagenknecht en a fait l’un des axes forts de sa campagne. Et, manifestement, cela plaît, à en juger par les applaudissements qu’elle déclenche quand elle ironise sur « les gens branchés des grandes villes qui boivent du lait d’avoine et du macchiato, font leurs courses dans des magasins bio et roulent en vélo-cargo », comme lors du meeting qu’elle a tenu sur la place d’Altenbourg, le 20 août, devant près de 400 personnes. Etait également présent son mari, Oskar Lafontaine, ancien président du Parti social-démocrate (SPD, 1995-1999), éphémère ministre des finances de Gerhard Schröder (1998-1999) et cofondateur, en 2007, de Die Linke, dont il a lui aussi fini par claquer la porte.
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