L’ancien ministre français et membre sortant de la Commission européenne, Thierry Breton, a annoncé qu’il démissionnait immédiatement, sur fond de divergences avec sa présidente Ursula von der Leyen. Dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux lundi 16 septembre, il affirme qu’Ursula von der Leyen a demandé à la France de lui proposer un autre candidat pour intégrer sa Commission.
« Je démissionne de mon poste de commissaire européen, avec effet immédiat », déclare M. Breton dans cette lettre. Candidat officiel proposé par Emmanuel Macron, il y explique que la présidente, qui est en train de former la nouvelle équipe de l’exécutif européen pour un mandat de cinq ans, a « demandé à la France de retirer [s]on nom ».
« Il y a quelques jours, dans la toute dernière ligne droite des négociations sur la composition du futur Collège, vous avez demandé à la France de retirer mon nom − pour des raisons personnelles qu’en aucun cas vous n’avez discutées directement avec moi − et proposé, en guise de compromis politique, un portefeuille prétendument plus influent pour la France au sein du futur Collège » des commissaires, écrit M. Breton. « A la lumière des derniers développements − qui témoignent une fois de plus d’une gouvernance douteuse − je dois conclure que je ne peux plus exercer mes fonctions au sein du Collège », conclut-il.
Engagement européen de Stéphane Séjourné
Le président de la République, M. Macron, a proposé, dans la foulée, son ministre des affaires étrangères démissionnaire, Stéphane Séjourné, comme commissaire européen « centré sur les enjeux de souveraineté industrielle, technologique et de compétitivité européenne », a annoncé l’Elysée. M. Séjourné a été « président du groupe Renew [centristes et libéraux] au Parlement européen au cours de la précédente législature et répond à l’ensemble des critères requis. Son engagement européen lui permettra de porter pleinement cet agenda de souveraineté », ajoute la présidence.
L’entourage de Michel Barnier fait savoir que le premier ministre est « associé » à la décision prise par le président de la République. Et affirme « sa confiance à ce que le prochain commissaire européen puisse activement travailler à l’action et au succès du collège européen, dans l’intérêt général ».
Les relations entre la dirigeante allemande et M. Breton étaient notoirement tendues depuis que ce dernier avait pris la tête au printemps d’une fronde au sein de l’exécutif bruxellois pour contester le style de direction de la présidente, jugé peu collectif. Le commissaire français avait publiquement mis en cause l’éthique de Mme von der Leyen après la nomination fin janvier d’un émissaire chargé des petites et moyennes entreprises, un poste hautement rémunéré au sein de la Commission.
Le poste avait été attribué à l’eurodéputé allemand du Parti populaire européen (droite) Markus Pieper, quelques semaines avant un congrès à Bucarest début mars au cours duquel le PPE avait apporté son soutien à un deuxième mandat de Mme von der Leyen. La polémique avait abouti à un vote de défiance du Parlement européen contre Mme von der Leyen, en pleine campagne pour les élections européennes de juin, et finalement au retrait de M. Pieper.
A la mi-journée, Ursula von der Leyen a pris acte de la démission de Thierry Breton, en le remerciant pour son travail. L’annonce de la composition de l’exécutif européen est attendue pour cette semaine.
Démission dans l’attente d’un nouveau gouvernement
Cet épisode intervient alors que le premier ministre Michel Barnier planche sur la composition de son gouvernement. Mais Matignon se refusait dans la matinée à établir un lien entre sa démission à Bruxelles et la potentielle entrée de Thierry Breton dans un futur gouvernement. « Rien n’est acté », dit-on dans l’entourage du premier ministre, où l’on souligne que les deux hommes « se connaissent très bien et s’apprécient ».
A Bercy, on ne croit pas qu’il y ait un lien entre la démission brutale de M. Breton et la composition du gouvernement. « Le feu couvait depuis longtemps » entre la présidente de la Commission européenne et lui, explique une source au Monde. Mais de fait, ajoute-t-elle, le choix de M. Breton pour Bercy peut être envisagé alors qu’il ne l’était pas jusqu’ici.
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Selon Yves Bertoncini, consultant en affaires européennes, ex-président du Mouvement européen, « son affaiblissement bruxellois était difficile à accepter, et l’effet immédiat de sa démission peut signifier qu’il va s’engager ailleurs, mais le coup de sang est-il exclu ? On le saura vite… »