« Un acte d’une extrême gravité. » Présidente du conseil régional de La Réunion, Huguette Bello (divers gauche) a pesé ses mots pour condamner la vente par l’Etat au groupe privé mauricien IBL, d’une parcelle de 6,8 hectares hébergeant l’un des beaux hôtels de l’île. Situé sur une plage de sable blanc et face aux eaux translucides du lagon de l’Hermitage, le Lux Saint-Gilles, établissement cinq étoiles, abrite 174 chambres, et emploie plus de 250 salariés.
Dans une motion votée le 6 septembre, la collectivité présidée par Mme Bello considère que la cession d’un « foncier aussi stratégique à un acteur extérieur tourne le dos aux intérêts de La Réunion et donc de la France ». Mme Bello annonce que la collectivité saisira la justice pour empêcher cette cession à un « pays étranger » d’un « emplacement stratégique et emblématique de l’offre touristique » pour un montant estimé à 28 millions d’euros.
Ce n’est pas la première fois que l’élue réunionnaise, dont le nom avait été cité, en juillet, pour être la candidate du Nouveau Front populaire au poste de première ministre, se pose en défenseuse du « patriotisme économique réunionnais ». Huguette Bello avait déjà brandi ce thème pour s’opposer à la fusion entre les compagnies aériennes françaises Air Austral – basée à La Réunion – et Corsair. Une option privilégiée par l’Etat en 2022 pour sauver les deux entités en grande difficulté financière. La présidente de région avait alors mis en avant les enjeux de désenclavement aérien de l’île.
Une « vision étriquée de l’économie »
En brandissant à nouveau ce thème, elle veut aussi rappeler que d’autres grandes entreprises réunionnaises, dans le secteur de la grande distribution, du bâtiment, de l’eau sont tombées dans les mains d’investisseurs de Maurice, l’île voisine distante d’un plus de deux cents kilomètres. Le groupe sucrier local Quartier Français a, lui, été absorbé par le géant français Tereos. Par ailleurs, de nombreuses enseignes locales sont détenues par le groupe antillais Hayot. « Le centre de gravité des décisions économiques locales échappe de plus en plus à La Réunion, constate un conseiller de Mme Bello. Les bénéfices repartent à l’extérieur. »
Appliquées au secteur de l’hôtellerie, les notions de « patriotisme économique réunionnais » et de « protection des intérêts stratégiques » locaux semblent toutefois avoir du mal à convaincre les milieux économiques de l’île, qui restent prudents sur le sujet. D’autant plus qu’une partie des adversaires de Mme Bello lui reprochent des desseins autonomistes, avec un risque d’enfermement de La Réunion sur elle-même.
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