Le crépitement d’une mitrailleuse déchire le silence. Couverts par les rafales, des militaires français, puis japonais, surgissent, traversent l’espace à découvert et se ruent sur une station radar. Un feu nourri accompagne leur progression dans les étages. Le calme revient. L’assaut n’a pas duré plus de cinq minutes, et les dix otages, capturés par des « forces de guérilla » qui avaient investi les lieux, sont libres. Selon le scénario, cette troupe ennemie vient d’un « pays rouge » au nord-ouest du Japon. Personne ne l’identifie, mais tout évoque la Chine ou la Russie, deux voisins qui inquiètent l’archipel.
A la baguette de l’opération baptisée « Gankyo » (« Robuste »), une section du 2e régiment étranger d’infanterie (REI, Légion étrangère) et cinq du 39e régiment d’infanterie (RI) des Forces japonaises d’autodéfense (FJA). L’assaut fait partie des manœuvres franco-japonaises organisées du 8 au 21 septembre aux camps d’Ojojihara et d’Iwateyama (nord-est du Japon) et censées conforter le rapprochement entre Paris et Tokyo dans le domaine de la défense. « Nous montrons à nos compétiteurs et ennemis que la France et le Japon sont des partenaires forts », insiste le colonel Thomas Miailhes, patron du 2e REI.
Jamais l’armée française n’avait manœuvré au Japon depuis le XIXᵉ siècle, quand Paris initiait les troupes du shogunat d’Edo (1603-1868) à la modernité militaire. D’où le nom des manœuvres : « Brunet-Takamori » (BT). Jules Brunet (1838-1911) dirige entre 1867 et 1869 une mission militaire au Japon et participe à la guerre de Boshin (1868-1869), qui met fin au shogunat et signe la victoire du pouvoir impérial. Héros des impériaux pendant ce même conflit, Saigo Takamori (1828-1877) est considéré comme « le dernier samouraï ».
« Position de puissance régionale du Pacifique »
La première édition des BT s’est tenue en Nouvelle-Calédonie en 2023. La deuxième confirme que les difficultés à communiquer n’empêchent pas les bonnes relations. Chacun a pu partager son expérience, sur les exercices de tirs, les soins aux blessés et surtout l’usage des nouvelles technologies. « La dronisation, la robotisation et la numérisation de l’espace de bataille font que nous avons besoin de faire évoluer nos tactiques et nos procédures opérationnelles », explique le général Valentin Seiler, commandant de la 6e brigade légère blindée, dont dépend le 2e REI. « Nos liens n’ont jamais été aussi forts. De deux armées séparées, nous devenons une formidable équipe », se réjouit le colonel Fumihiro Kayanuma, commandant du 39e RI nippon.
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