Réserver les emplois aux Français : la promesse figure en bonne place dans le programme du Front national, devenu le Rassemblement national (RN), depuis plus de quarante ans. « Un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés de trop ! La France et les Français d’abord ! », affichaient, dès 1978, les troupes de Jean-Marie Le Pen. Sa fille Marine a, depuis, pris les rênes et renommé le parti d’extrême droite, sans renoncer à l’application de la « préférence nationale » au monde du travail. « Le Français est chez lui, justifiait-elle, en 2021. Il faut permettre aux employeurs de donner en priorité accès à l’emploi à un Français. »
Si le RN propose cette mesure de longue date, jamais la discrimination à l’embauche n’avait été aussi explicitée par ses promoteurs que lors de la rentrée 2024. Le fascicule programmatique du RN destiné aux entreprises, présenté le 14 septembre, ne se contente pas de rappeler un principe : « Appliquer la priorité nationale, à compétences égales, pour l’ensemble des postes à pourvoir en France. » Le document en précise les modalités d’application, à destination des employeurs : « Il sera nécessaire d’inscrire la nationalité parmi les critères de choix d’un candidat, sachant que la règle de nationalité s’applique déjà dans une large part de la fonction publique d’Etat. » Le RN précise dans sa brochure que l’embauche d’étrangers ne serait « naturellement » pas interdite s’agissant d’« étrangers présentant des compétences rares et nécessaires à la prospérité de l’économie française ».
En 2017, Marine Le Pen comptait favoriser le recrutement des Français par la création d’une « taxe additionnelle sur tout nouveau contrat d’employé étranger ». Une idée reprise dans une proposition de loi déposée en janvier par le député de l’Oise Alexandre Sabatou, signée par la quasi-totalité des parlementaires RN, visant à majorer les cotisations patronales afférentes au contrat de travail d’un étranger, hors ressortissant de l’Union européenne (UE).
Logique inversée
Le parti d’extrême droite ne vise désormais plus la dissuasion, par l’augmentation du coût de travail d’un extracommunautaire, mais la contrainte, par l’insertion d’un critère de nationalité à l’ouverture de chaque emploi privé. « A compétences égales, l’employeur devra recruter le Français plutôt que l’étranger », résume Jean-Philippe Tanguy, auteur du programme économique. Le député de la Somme confirme le caractère obligatoire de la « priorité nationale ». Le Français s’estimant lésé lors du recrutement bénéficierait d’une forme de « droit opposable ». « L’administration ne fera pas d’enquête sur chaque embauche, précise le parlementaire. Mais une personne pourra saisir la justice pour discrimination si elle juge qu’un étranger a été injustement recruté à sa place. L’employeur devra prouver qu’aucun Français ne s’est proposé. »
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