Benoît Cœuré est président de l’Autorité de la concurrence, qui a rendu, en juin, un avis sur le secteur de l’intelligence artificielle (IA). Le régulateur alerte, comme ses homologues à Washington ou à Bruxelles, sur le risque de voir des géants comme Google, Microsoft, Meta ou Amazon utiliser leur force dans le numérique pour écraser ce marché et ses start-up.
L’Autorité de la concurrence est aussi, souligne M. Cœuré, « tout à fait » prête à intervenir si besoin dans les négociations entre fabricants d’IA et producteurs de contenus, alors que de premiers accords ont été noués entre OpenAI et News Corp (The Wall Street Journal…), Prisa (El Pais…) ou, en France, Le Monde.
En quoi l’IA pose-t-elle un problème de concurrence ?
Comme toutes les technologies numériques, l’IA générative soulève des problèmes de concurrence, car elle porte en elle une logique de concentration et d’accumulation. Plus on a de données ou plus on a d’utilisateurs, plus on va pouvoir innover. Après une première phase de profusion d’initiatives, on a souvent vu, dans ces secteurs, une phase de consolidation jusqu’à ce qu’il ne reste que quelques acteurs, voire un seul. Ceux-ci risquent alors d’exclure leurs concurrents ou d’imposer des conditions inéquitables à leurs clients et à leurs fournisseurs. Ils construisent une forteresse ou un jardin fermé.
Pourquoi les géants du numérique comme Google, Microsoft ou Meta risquent-ils de dominer l’IA ?
Parce que la production d’IA générative repose sur des intrants qui sont les données, la capacité de calcul informatique – c’est-à-dire des processeurs – et les talents. Sa distribution, elle, repose, pour les entreprises, sur les plates-formes de services en ligne dans le cloud [l’informatique dématérialisée] et, pour les particuliers, sur les environnements mobiles, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux…
Or, aujourd’hui, une poignée d’entreprises, la plupart américaines, ont déjà une position très forte dans tous ces domaines. C’est une situation nouvelle. L’IA est la première technologie à être d’emblée dominée par des grands acteurs. D’habitude, une innovation disruptive porte la promesse de remplacer des technologies et de mettre fin aux rentes d’acteurs existants. Ainsi, Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft ou Netflix étaient, au départ, des petits acteurs, qui ont eu une idée brillante. Dans l’IA, il y a bien sûr la force des idées, chez des acteurs plus petits comme OpenAI ou Mistral AI. Mais les régulateurs craignent que, très vite, celles-ci soient utilisées pour renforcer le pouvoir des grands acteurs.
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