Michel Barnier l’a promis : avec lui, il n’y aura pas d’esbroufe à Matignon. « Nous allons davantage agir que parler », a assuré le nouveau premier ministre lors de sa passation de pouvoir avec Gabriel Attal, le 5 septembre. L’« humilité », voilà son credo. Mais peut-on croire sur parole quelqu’un qui assure, justement, ne pas se payer de mots ? L’avantage, dans le cas de Michel Barnier, plus vieux chef de gouvernement de l’histoire de la Ve République, à 73 ans, c’est que l’épaisseur du dossier d’archives le concernant aide à juger sur pièces : le personnage apparaît, de fait, moins comme un communicant qu’un ouvrier spécialisé de la politique.
Combien d’adolescents ont déjà envoyé un courrier au Monde sur l’emploi des jeunes agriculteurs en montagne et « le système de l’indemnité viagère de départ » ? Ce 30 janvier 1968, le nom de Michel Barnier apparaît pour la première fois dans les colonnes du quotidien, sous la rubrique « Le courrier du tourisme ». Le Savoyard, 17 ans, milite alors au sein du mouvement gaulliste de l’Union des jeunes pour le progrès (UJP), dont il a créé une section dans son lycée d’Albertville. Sa prose savante et bourrée d’acronymes sur la formation professionnelle paraît alors bien éloignée de la révolte d’une génération qui s’apprête à soulever les pavés parisiens…
Michel Barnier prend goût à sa correspondance avec le quotidien du soir. Le 3 mars 1970, dans un dossier consacré à « la voix des jeunes », Le Monde publie à nouveau sa prose. Cette fois, le « délégué de l’UJP dans la deuxième circonscription de la Savoie » se demande s’il ne faudrait pas abaisser de 23 à 21 ans l’âge de l’éligibilité. Un bon moyen, selon lui, d’ancrer « solidement l’esprit de responsabilité » dans la tête du « jeune », qui, en ce lendemain de Mai 68, présente une trop faible « capacité globale de discussion, de compréhension des mécanismes les plus simples – par exemple, ceux de la vie économique ». Faut-il préciser que Michel Barnier, étudiant à l’Ecole supérieure de commerce de Paris, est alors âgé de 19 ans ?
Le tremplin des Jeux olympiques
Impatient de briguer les suffrages, ce fils d’un chef d’entreprise et d’une militante associative court les réunions de l’Union pour la défense de la République (UDR), la maison mère de l’UJP, et les cabinets ministériels, tout en obtenant, à 22 ans, son premier mandat de conseiller général. Lors des élections législatives de 1978, le journaliste Bernard Elie suit le jeune élu en campagne, à Albertville la bourgeoise. « La villa des Barnier a été transformée en Q.G. électoral. Dans la fièvre, on plie, on colle, on timbre… », raconte-t-il, le 18 mars 1978. Le succès est au rendez-vous : le Savoyard devient, à 27 ans, le benjamin de l’Assemblée nationale.
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