Tellement de temps – marqué par une noria de péripéties, de jeux tactiques et d’ego – a passé depuis le second tour des législatives, à l’orée de l’été, qu’il apparaît utile de revenir au point de départ de cette séquence inédite, à la fois folle et troublante. Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il voulu dissoudre l’Assemblée nationale, le 9 juin, au soir d’une défaite de son camp aux élections européennes ? Par souci de « clarification », avait avancé le président de la République, selon lequel un « retour au peuple » devait permettre de « dépressuriser » la vie politique.
Qu’ont dit les Français aux législatives des 30 juin et le 7 juillet ? Qu’ils voulaient l’alternance (le bloc central s’est vu sévèrement sanctionné, perdant environ 80 députés). Et qu’ils ne voulaient pas du Rassemblement national, relégué en troisième position au soir du vote, grâce au front républicain, sorti grand vainqueur du scrutin.
Plus de deux mois après le vote, quel est le point d’arrivée ? D’abord, une forme de clarification : en s’alliant avec la droite, le macronisme assume enfin une orientation idéologique amorcée lentement mais sûrement depuis 2017 ; ce qui met fin de facto à ce dépassement sans cesse invoqué, mais depuis longtemps factice.
Les Français héritent ensuite d’un gouvernement dominé par des macronistes et des élus du parti Les Républicains, qui a continué à s’éroder sur le plan électoral, obtenant 47 députés seulement, le 7 juillet. Un exécutif qui s’apprête à poursuivre la politique menée depuis sept ans, contrecarrant le désir de changement exprimé par les Français. Enfin, alors que deux tiers ont voté pour un candidat se réclamant du front républicain, la nouvelle équipe se retrouve sous l’étroite surveillance de Marine Le Pen, qui devient arbitre des élégances et d’éventuelles censures à venir. Bref, un grand retournement. « Les derniers seront les premiers », a ironisé l’ancien premier ministre Dominique de Villepin, le 15 septembre, à la Fête de L’Humanité, en citant l’Evangile.
Une certaine continuité dans la politique menée
A quoi cela sert-il de voter, pourraient légitimement se demander les Français. Certes, le résultat du 7 juillet manquait de clarté, composant une Assemblée nationale dépourvue de majorité, coupée en trois.
Quant à la gauche, qui fait mine aujourd’hui de se désoler du retour de la droite (« Au secours, la droite revient ! » comme le clamaient des affiches de campagne des législatives de 1986), elle a saboté la possibilité de retrouver le chemin du pouvoir. En expliquant, dimanche 7 juillet, dès 20 heures, que le Nouveau Front populaire (NFP) avait gagné les élections et appliquerait « tout son programme, rien que son programme », l’« insoumis » Jean-Luc Mélenchon, qui espère tirer profit du chaos, a torpillé les chances de la coalition de gauche de se voir proposer Matignon. De son côté, le Parti socialiste, qui préfère rester dans l’opposition plutôt que de se voir associé au bilan d’Emmanuel Macron dans trois ans, a savonné la planche à l’ex-premier ministre de François Hollande, Bernard Cazeneuve, que le chef de l’Etat préférait au NFP.
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