Il n’aura pas fallu longtemps pour dissiper, s’il y en avait une, toute ambiguïté sur les priorités de Bruno Retailleau. Lundi 23 septembre, lors de sa prise de fonctions à Beauvau, le nouveau ministre de l’intérieur les a déclinées dans une formule qui tient davantage de l’incantation que du programme : « Rétablir l’ordre, rétablir l’ordre, rétablir l’ordre. »
En matérialisant la ligne dure qu’il a choisi d’incarner, il réalise certes un premier « coup de com » en s’assurant d’une reprise immédiate sur les chaînes d’information en continu et sur les réseaux sociaux. Mais, pour être frappant, ce slogan se révèle un peu court. Et il faudra davantage qu’une sorte d’abracadabra sécuritaire pour améliorer une situation qui fait pleinement mériter à la place Beauvau son surnom de « ministère des urgences ».
Contexte dégradé outre-mer, où deux Kanaks ont été abattus en Nouvelle-Calédonie par le GIGN, jeudi 19 septembre, et où des heurts entre policiers et manifestants à la Martinique sur fond de énième dénonciation de la vie chère ont eu lieu ; niveau rarement égalé des homicides et tentatives sur le front du narcotrafic ; menace terroriste encore prégnante : en même temps que son portefeuille ministériel, Bruno Retailleau hérite d’un climat tendu, sinon empoisonné. Même les nominations des nouveaux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie ne peuvent souffrir du moindre retard : le 29 septembre, les actuels titulaires du poste, Frédéric Veaux pour la police, Christian Rodriguez pour la gendarmerie, quitteront officiellement leurs fonctions.
« Il ne faut jamais critiquer nos policiers »
Inutile, dans ces circonstances, d’envisager le moindre aggiornamento de certaines pratiques policières ou toute réflexion sur l’épineuse question des relations police-population. Sur ce chapitre, du reste, l’opinion de M. Retailleau est forgée de longue date : « Il ne faut jamais critiquer nos policiers », déclarait-il, en avril 2017, alors qu’il occupait la fonction de coordinateur de la campagne de François Fillon. Lundi, à l’occasion de sa première sortie protocolaire, le ministre a récidivé dans la cour des Invalides où il présidait la cérémonie d’adieu aux armes du « patron » de la gendarmerie, le général Christian Rodriguez : « Pour les forces de l’ordre, jamais je ne céderai, je ne lâcherai rien et ne tolérerai aucune attaque, aucune offense. »
Avec le rattachement d’un ministre délégué en charge de la sécurité du quotidien, attribué à Nicolas Daragon, le ministre de l’intérieur a adressé un premier signal sur sa méthode, peut-être inspirée par un procédé éprouvé, depuis Charles Pasqua jusqu’à Christophe Castaner. Le premier avec Robert Pandraud, le second avec Laurent Nuñez, actuel préfet de police de Paris, s’étaient déjà adjoint les services de techniciens de la sécurité. Mais cette fois, plutôt qu’un haut fonctionnaire, M. Retailleau a choisi un élu local, maire de Valence (Drôme), une ville touchée par le narcotrafic, et vice-président de l’Association des maires de France.
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