Réalisateur à Radio France pendant dix ans durant lesquels il fit largement entendre le réel, Alexandre Plank créait, en 2019 et avec Amélie Billault, l’association Making Waves « pour favoriser, par la radio et le podcast, l’éclosion d’espaces de dialogue, d’expression et de création ».
Que représente et permet la radio ?
La radio que j’aime est faite d’échanges, de rencontres, de collaborations. De croisements et de communs. Elle laisse advenir ce que l’on n’attendait pas, et qui donc peut, par surprise, nous transformer. Une voix, une histoire, un silence. A Making Waves, la question de savoir ce que peut la radio est, chaque jour, reposée d’un point de vue collectif. L’équipe, qui vient d’horizons très divers, travaille ensemble à repenser ce que représente et permet la radio. A requestionner qui est derrière les micros. A se reposer la question de qui écoute et dans quelle situation. A réinterroger le mode de production des podcasts ou les modes de diffusion des programmes… Nos approches, souvent complémentaires, nous incitent finalement à revisiter la définition même du média : au-delà des usages traditionnels et balisés qu’on lui connaît, la radio est ainsi pour nous un outil d’inclusion, un mode de plaidoyer, une agora, un dispositif d’urgence, etc.
On parle de « littérature engagée », diriez-vous que Making Waves fait du « podcast engagé » ?
Engagé, plaidoyer, pédagogique… Je dirais que cela dépend des projets et des séries que nous produisons. Chacun de nos podcasts, cette saison, porte bien sûr la marque d’un engagement fort : on interroge les illusions de la transition numérique, on décrit de nouvelles formes de précarité, on questionne les fractures communautaires… Mais, par exemple, 13 000 litres – et quelques gouttes n’assène pas un « message ». La série est une fiction qui décrit une prise de conscience – ce que notre confort coûte à notre planète – et les interrogations qui en découlent. Notre podcast du mois d’octobre, « Une place à table », est une série documentaire qui est pour sa part construite comme un plaidoyer. La journaliste Clémentine Méténier y parcourt la France à la rencontre d’individus et d’associations s’organisant, militant et luttant avec force pour la création d’une sécurité sociale de l’alimentation…
Cela étant dit, la question de l’engagement me semble se situer à Making Waves en amont de nos productions audio. Nos engagements, les valeurs que nous défendons en tant qu’équipe passent en premier lieu par la fabrication d’outils telle la Radiobox (un studio radio nomade), permettant à des individus, éloignés parfois des médias traditionnels, de prendre la parole, de créer des espaces de dialogue, de réflexion, de cohésion. Par ailleurs, la création de chacune de nos séries mobilise notre studio, qui emploie une dizaine de salariés en insertion, de tous âges et de tous horizons. Enfin, le réseau de relations que l’équipe a créé avec des associations, des festivals, des radios associatives, des missions locales, des théâtres, des centres de santé, des bailleurs sociaux, des établissements scolaires, etc. permet de toucher d’autres publics et de créer de nouveaux types de relations pour sortir de la dualité, souvent stérile, producteur-auditeur.
Quel est le modèle économique de Making Waves et quels sont les circuits de diffusion de vos podcasts ?
On imagine pour chacun de nos projets un mode de diffusion qui lui est propre. Nos podcasts sont bien sûr disponibles sur les plates-formes d’écoute, mais certains d’entre eux sont diffusés en FM, comme « Dianké », sur RFI ou « Un point de lumière floue », sur France Culture. Ils touchent ainsi un très grand nombre d’auditeurs. Certains projets sont diffusés par des radios associatives partout en France, c’est le cas de notre série d’émissions « A la jeunesse les micros », créée avec le Festival d’Avignon et que diffusent une soixantaine de radios réparties sur le territoire. Pour d’autres projets, comme « Radio Forum », que portent Mohammed Bensaber et Antoine Chao et qui se déploie en Seine-Saint-Denis pour donner la parole aux habitants des quartiers prioritaires, nous optons pour la proximité : des séances d’écoute dans des structures associatives, l’organisation d’émissions en public, des soirées débats, etc.
Le modèle économique de Making Waves s’inscrit dans la logique de l’économie sociale et solidaire. Nos ressources sont mixtes : publiques, privées et des recettes propres. Dans un contexte de baisse des financements publics, et alors qu’il n’existe pas d’aide à la création de podcasts comme pour le spectacle vivant ou le cinéma, c’est un challenge. Mais, aujourd’hui, Making Waves compte trente salariés dont dix en insertion, et nous ouvrons notre première antenne régionale à Avignon ce mois-ci. On a donc fait les preuves que notre modèle économique, sans publicité et avec un accès gratuit à tous nos contenus, fonctionne et permet de mobiliser des partenaires et des publics nombreux.