Vingt-cinq élus du Rassemblement national (RN) comparaissent depuis le 30 septembre et jusqu’au 27 novembre devant le tribunal judiciaire de Paris dans l’affaire dite « des assistants fictifs » du Front national (FN, ancêtre du RN) au Parlement européen. Deux autres prévenus, dont Jean-Marie Le Pen, seront jugés ultérieurement si leur état de santé le permet. Seul le jugement du tribunal de Paris permettra de se prononcer sur leur culpabilité. Cependant, cette affaire, dont l’ampleur est inédite par rapport à d’autres fraudes financières dans d’autres partis, révèle plus généralement l’organisation interne routinière du RN, ainsi que son rapport à la justice.
Depuis les années 1980, le Parlement européen permet aux dirigeants du FN de vivre de la politique – on y retrouve notamment les présidents (Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen, Jordan Bardella), le délégué général (Bruno Mégret), des secrétaires généraux (Carl Lang, Louis Aliot, Nicolas Bay). Expatriés à Bruxelles, ils forment avec les autres élus du parti un groupe de cadres qui n’est pas tout à fait homogène.
Ainsi, les dirigeants de premier plan imposent leur choix dans les équipes des autres eurodéputés : ces derniers ont reçu pour ordre de ne s’impliquer que dans le recrutement d’un assistant (et de laisser le parti recruter l’autre membre de l’équipe). Ces dirigeants sont majoritairement eurodéputés, mais aussi leurs conseillers et proches qui ne sont pas dans l’organigramme du FN/RN et qui bénéficient parfois d’un poste d’assistant parlementaire.
« Société de cour »
Pour reprendre l’expression de Safia Dahani dans sa thèse de doctorat « Une institutionnalisation dans la tradition : sociologie d’un parti patrimonial, le Front national », soutenue en 2022, elle-même empruntée au sociologue Norbert Elias, le RN est une « société de cour » hiérarchisée dans laquelle les dirigeants dominants imposent des règles du jeu, largement informelles, et supposent la loyauté et l’obéissance des autres cadres. Les témoignages d’eurodéputés de différentes périodes de l’histoire du parti racontent la récurrence des prises de décision échappant aux réunions formelles. Même les membres du bureau politique affirment ne pas avoir débattu de ces embauches : ceux-ci n’ont donc pas un pouvoir identique à certains dirigeants haut placés.
Pour l’administration du Parlement européen, ce sont les eurodéputés qui emploient des collaborateurs ou collaboratrices parlementaires. Ce sont les élus qui fixent le grade des membres de leur équipe parlementaire, et donc le montant du salaire, en partageant l’enveloppe qui est destinée à ces frais. Les services de ressources humaines du Parlement européen déclaraient en 2014 que les assistants parlementaires, tous groupes confondus, touchent entre 1 694,21 euros et 7 802,33 euros.
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