La dynamique capitale de la province du Shandong pourrait incarner à elle seule l’ambivalence de la Chine dans la crise climatique. Le pays qui de loin émet le plus de CO2 – un tiers des émissions mondiales pour un peu moins d’un cinquième de la population de la Terre – est aussi celui qui, de loin également, fait le plus d’efforts pour installer des énergies renouvelables. La ville de Jinan, bordée par le fleuve Jaune au nord et le mont sacré Tai au sud, avec ses plus de 5 millions d’habitants, est en chantier permanent ; y sortent de terre tant des champs de panneaux solaires que des centrales à charbon flambant neuves.
« Il y a encore beaucoup de consommation de charbon car sinon nous n’aurions pas assez d’électricité, mais on peut imaginer qu’un jour les énergies vertes le remplaceront », relève sur le pas de sa porte Chen Ying, qui réside à la limite ouest de la ville. Cette femme de 36 ans et sa famille profitent directement du changement. En 2023, au début de l’été, des représentants d’une entreprise d’installation de panneaux solaires, mandatée par l’Etat, sont venus les démarcher pour leur proposer de les associer à la politique d’accélération sur le photovoltaïque, en les payant pour produire de l’électricité sur le toit de leur maison.
Au début, la femme au foyer et son mari, chauffeur de camion, se sont méfiés : est-ce qu’on ne leur demandait pas leur droit de propriété pour l’usurper ou autre escroquerie ? Mais des voisins avaient déjà franchi le pas et l’offre était attrayante. Il a suffi d’une journée de travaux pour installer les panneaux, sans qu’ils n’aient rien eu à faire ni à dépenser. La famille touche depuis 60 yuans par panneau et par an, 3 600 yuans au total, soit 460 euros, un complément de revenu non négligeable.
Partout autour de Jinan apparaissent de tels programmes, car la Chine s’est détachée du peloton en matière d’installation d’énergies renouvelables. Elle construit presque les deux tiers des projets solaires et éoliens de la planète, selon l’ONG basée à San Francisco Global Energy Monitor, huit fois plus que les projets en cours aux Etats-Unis. Elle a franchi en juillet, avec six ans d’avance, son objectif d’avoir installé 1 200 gigawatts de solaire et d’éolien à l’horizon 2030, tandis que l’Union européenne en est à 480 gigawatts. Mais, dans les faits, 59,6 % de l’électricité chinoise provenaient encore du charbon au premier semestre 2024. Ce chiffre, qui passait sous le seuil des 60 %, illustre la difficulté à intégrer ces capacités photovoltaïques aux réseaux et à les gérer de manière stable.
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