Une énorme bulle argentée vient de se poser dans le parc de la Cité internationale universitaire, à Paris. D’une jauge de 180 personnes, cette structure gonflable aux allures de soucoupe volante est l’adresse parisienne éphémère, jusqu’au samedi 12 octobre, d’Olivia Grandville. La directrice du Centre chorégraphique national (CCN) de La Rochelle a baptisé ce campement ambulant, créé par l’artiste néerlandaise Cocky Eek, d’un nom étrange : l’UMAA, pour Unité mobile d’action artistique.
Cette installation, « tel un totem qui transforme le paysage », marque le désir de la chorégraphe d’abattre les murs et d’ouvrir large les écoutilles de l’institution. Emblème des « mille plateaux, mille pratiques » au programme du CCN, ce dôme se déplace où l’on veut bien l’accueillir et abrite en accès libre des ateliers, des performances. « Il s’agit d’interpeller les gens autrement que dans une salle de spectacle », précise Olivia Grandville, qui évoque « l’art contemporain comme migrant d’une discipline à l’autre. […]Tout au long de la journée, les spectateurs peuvent entrer et sortir, rester aussi longtemps qu’ils le désirent, participer, contempler, rêver… ». Et composer à l’envi leur menu du jour : échauffement collectif, série de solos improvisés, set électro…
Interroger la masculinité
Cette hospitalité scande le début de saison chargé d’Olivia Grandville. Après La Guerre des pauvres, saisissante adaptation du récit d’Eric Vuillard (Actes Sud, 2019), à l’affiche en septembre à la MC93, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), le spectacle Débandade est attendu du 16 au 19 octobre, à Chaillot-Théâtre national de la danse à Paris. Le titre se révèle assez gonflé lorsqu’on découvre qu’il interroge la masculinité. « Il est venu comme ça à force de discuter, sourit Olivia Grandville. Metoo m’a secouée et réveillée alors que les combats féministes me semblaient un peu derrière moi. En tant que femme, féministe et mère de deux garçons de 28 et 25 ans, il m’a semblé important d’y revenir. Je suis admirative de la nouvelle génération qui repense les questions du féminin et du masculin en définissant une fluidité des genres. Ce n’est pas simple de se construire une identité. Nous devons toutes et tous déraciner tellement d’injonctions et de clichés. »
Pour muscler son propos, elle s’est appuyée sur des ateliers menés pendant un an, en 2019, avec des étudiants de 18 à 25 ans vivant à Montpellier, Paris ou Poitiers. A leur contact, le sujet de la masculinité s’impose, partagé ensuite avec les sept interprètes d’horizons, de cultures et de sexualités différents dont les témoignages soutiennent la pièce. « On a beaucoup rigolé, même si parfois ça a été assez chaud, s’amuse-t-elle. Je leur ai posé des tas de questions sur leur vécu, l’héritage du patriarcat, leur féminité également. Rien que de choisir de devenir danseur n’est pas anodin. J’étais un peu la daronne et la psy et je me suis laissé faire. »
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