Lorsque, au Muséum d’histoire naturelle de Toulouse, le visiteur descend dans la salle où vient de s’ouvrir l’exposition « Géants », l’escalier qu’il emprunte est surplombé par les mâchoires ouvertes d’un mégalodon, squale disparu à côté duquel le grand requin blanc ferait presque figure de gentil poisson. La couleur est annoncée : bienvenue dans la démesure, parmi ces espèces qui, après l’extinction des dinosaures non aviens il y a 66 millions d’années, ont pris leurs quartiers, leurs aises et surtout du volume dans des niches écologiques devenues vacantes. Cette mégafaune a disparu à son tour, mais la paléontologie, par l’extraction et l’étude des fossiles, permet de lui redonner corps.
Le parti pris de cette exposition, conçue à l’origine par l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique, consiste à montrer ces animaux grandeur nature. Certains sont présentés sous la forme classique du squelette reconstitué, comme par exemple le félin à dents de sabre, le Megatherium américain – un paresseux géant de 4 tonnes aux faux airs d’ours – ou encore le Gastornis laurenti, oiseau de 1,70 mètre de haut à gros bec, qui joue le rôle du régional de l’étape car il a été découvert dans l’Aude en 2018.
Mais les invités les plus costauds prennent une forme plus audacieuse, plus esthétique aussi, puisqu’ils se résument à des silhouettes, sortes d’origamis colossaux à facettes blanches découpées dans… des panneaux d’isolation. La scénographie joue à merveille de ces corps imposants, soit en s’en servant comme cartels ou comme écrans, soit en supprimant certains panneaux pour y voir, par transparence, les gros os du bestiau.
« Géant aux pieds d’argile »
On circule donc entre le Titanoboa – serpent terrifiant de 15 mètres qui vous aurait gobé tout debout si vous aviez vécu il y a 60 millions d’années –, le baluchithère – le plus massif des mammifères terrestres, avec ses 17 tonnes – et, bien sûr, l’incontournable mammouth. Signalons aussi Gigantopithecus blacki, le plus grand singe connu, éteint il y a environ 300 000 ans, impressionnant avec ses 3,70 mètres de haut et ses 200 à 400 kilos.
Les causes du gigantisme sont diverses – meilleure protection contre le froid, défense contre les prédateurs, avantage compétitif lors de la saison des amours… Cependant, l’exposition met d’abord l’accent sur le côté « géant aux pieds d’argile ». La grande taille a ses avantages mais aussi ses inconvénients. « La règle de Cope-Depéret dit que “plus une espèce grandit, plus elle s’approche de son extinction, car plus elle sera sensible aux changements environnementaux” », explique ainsi Francis Duranthon, directeur du Muséum de Toulouse.
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