Cap sur le mont de Gorringe. Invisible sous les flots de l’Atlantique, au carrefour des eaux venues de Méditerranée, de l’Atlantique Sud et de l’Atlantique Nord, ce massif sous-marin s’élève comme une oasis de vie. Il prend naissance dans des plaines abyssales par moins 5 000 mètres de fond, tandis que son sommet culmine à moins de 40 mètres sous la surface. Grâce aux courants chargés de nutriments qui remontent des profondeurs le long de ses flancs, le Gorringe offre une aire de repos et de restauration sur la route des grands migrateurs.
Le quatre-mâts Santa-Maria-Manuela a mis vingt-quatre heures pour rallier l’endroit depuis Lisbonne, à 200 kilomètres de là, pour une expédition de trois semaines sur place qui s’est achevée fin septembre. Financée par la fondation portugaise Oceano Azul, concessionnaire de l’Oceanario, le grand aquarium de Lisbonne, et créée par un grand groupe économique portugais présent dans la grande distribution, notamment, elle est autant animée par la curiosité scientifique que par des motivations environnementales. Ses membres sont convaincus que la montagne sous-marine mérite d’être préservée, bien au-delà de son simple classement Natura 2000 actuel. Il reste à le prouver en rapportant un témoignage de la richesse de la biodiversité qu’elle abrite.
« Nous avons un but, affirme avec fougue Tiago Pitta e Cunha, directeur de la fondation Oceano Azul. Faire comprendre que l’océan n’est pas juste un espace, mais un système dont nous dépendons tous. Le Gorringe va permettre de montrer comment fonctionne ce monde complexe avec ses interactions biologiques, chimiques, physiques. » Cet ancien conseiller aux Nations unies pour l’Union européenne agit sur deux leviers, en contribuant au repérage et à la mise en place d’aires marines à préserver, et en participant aux diverses rencontres internationales sur le sujet. Il n’a de cesse d’inciter les Etats à respecter leur engagement de protéger 30 % de l’océan mondial d’ici à 2030. Parfois avec succès : le 17 octobre, le gouvernement de la région des Açores a ainsi voté la création d’une aire marine de 287 000 km², l’une des plus vastes de l’Atlantique nord, dont la moitié sera pleinement protégée, aboutissement d’un programme de recherche et de plusieurs expéditions auxquelles la fondation a participé.
Le Portugal, très impliqué
Celle du mont Gorringe coûte entre 1 million et 1,5 million d’euros, selon Tiago Pitta e Cunha. « Pour un gouvernement, ce serait bien plus cher et difficile à organiser, estime-t-il. Si nous y parvenons, c’est grâce au réseau de partenaires : universités, centres de recherche, ONG et même la marine nationale, cette fois. » Ces dernières années, le Portugal s’est beaucoup impliqué dans la défense des océans. En 2022, la deuxième conférence de l’ONU qui lui est consacrée s’est tenue à Lisbonne. La prochaine devrait avoir lieu en France, en 2025.
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