Il s’agit d’une nouvelle déconvenue pour le gouvernement. Comme attendu, les députés n’ont pas pu aller au bout de l’examen de la partie recettes du budget 2025, samedi 26 octobre avant minuit. A la clôture de la séance, il restait encore 1 507 amendements non débattus sur cette première partie du texte, qui aurait dû, en principe, faire l’objet d’un vote final mardi.
La semaine prochaine, l’Assemblée nationale sera mobilisée sur le budget de la Sécurité sociale. Selon plusieurs sources parlementaires, les débats sur le projet de loi de finances pour 2025 reprendront le mardi 5 novembre. Un nouveau calendrier sera envisagé mardi matin en conférence des présidents, « avec le gouvernement », a affirmé à la tribune la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet.
En six jours, les députés ont « adopté près de quarante milliards d’euros d’impôts supplémentaires » qui s’ajoutent aux « trente milliards de la copie initiale du gouvernement », a déploré le député macroniste Charles Sitzenstuhl. « Il est vraiment temps que tout ceci s’arrête », a-t-il ajouté, fustigeant un « délire fiscal ».
« La coalition gouvernementale sombre » et « il n’y a même pas de chaloupes pour ceux qui restent (…) J’ai beaucoup de peine pour notre pays », a lancé, de son côté, le chef de file du Rassemblement national (RN) dans cette bataille budgétaire, Jean-Philippe Tanguy.
Samedi, comme les jours précédents, le gouvernement a enchaîné les revers. La gauche a ainsi fait adopter une taxe exceptionnelle de 10 % sur les dividendes distribués par les entreprises du CAC40. Les députés ont étendu à l’ensemble du territoire les prêts à taux zéro pour l’immobilier, dans le neuf (comme le proposait le gouvernement), mais aussi dans l’ancien.
Ils ont aussi rendu pérenne la contribution exceptionnelle demandée aux entreprises de fret maritime, plafonné à 500 millions d’euros la niche fiscale dont bénéficie ce secteur, approuvé un rétablissement progressif de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et supprimé l’alourdissement prévu du « malus » pour les voitures essence et diesel.
Série de revers pour le gouvernement
Cela s’est fait au gré d’alliances parfois changeantes : si le Nouveau Front populaire a obtenu seul le rétablissement progressif de la CVAE, c’est un attelage hétéroclite d’élus RN, Les Républicains, socialistes et communistes qui a eu raison du malus automobile.
Et le RN – accusé par le camp macroniste d’avoir une ligne politique erratique sur la fiscalité des entreprises – a mêlé ses voix à la gauche pour plafonner la niche fiscale des armateurs, face aux rangs toujours très clairsemés des forces du « socle commun » censées soutenir le gouvernement.
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Parmi les autres amendements adoptés, une série d’allégements de TVA pour différents secteurs : associations d’aide alimentaire, transports de voyageurs – sauf l’aérien –, entreprises de réparation, nouveaux logements sociaux, ou « premiers kilowatts » de gaz et d’électricité consommés par les ménages. Des amendements portés par Renaissance et le Parti socialiste ont réduit à 30 % les abattements fiscaux relatifs aux meublés de tourisme, inscrivant ainsi dans le budget une disposition destinée à mieux réguler le marché des logements type « Airbnb ».
Vendredi déjà, le gouvernement avait subi de nombreuses défaites sur cette partie « recettes » du budget, avec la suppression de la surtaxe temporaire des grandes entreprises (dont la gauche avait préalablement augmenté les taux) ou celle de la surtaxe sur l’électricité, combattue par ses propres troupes.
Des députés de l’opposition soupçonnent le camp gouvernemental de pousser à un 49.3, en laissant le projet de budget de Michel Barnier être profondément remanié. Un soupçon infondé, a assuré, au Parisien, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon : « On ne cède pas à la facilité du 49.3 (…) Le temps du débat est un moment de grande clarification qui permet aussi de bâtir des compromis », a-t-elle affirmé.
D’autres élus se demandent si le gouvernement ne cherche pas plutôt un rejet du texte, comme en commission des finances, ou un enlisement des débats qui empêcherait un vote avant la date limite du 21 novembre, liée aux délais constitutionnels. Dans les deux cas, la conséquence serait une transmission directe du texte au Sénat.