Les citoyens ont appris un peu ébahis que l’Etat français, déjà fort endetté, était en voie d’être littéralement surendetté car, en l’espace d’une année, le déficit public était passé de 4,4 % à 6,1 %. Le risque d’un scénario catastrophe « à la grecque », avec mise sous tutelle de l’Etat par l’Union européenne et le Fonds monétaire international, n’est plus du tout de la science-fiction. La prise de conscience est brutale et explique pourquoi l’essentiel de la discussion sur l’actuel projet de loi de finances concerne la façon de réduire drastiquement ce trou budgétaire en vue d’enrayer le creusement abyssal de la dette française.
Compte tenu de l’ampleur des dégâts, les députés ont décidé d’ouvrir une commission d’enquête, ce qui était le minimum à faire. Ce sera l’occasion d’auditionner les principaux décideurs et responsables de cette affaire, à l’exclusion cependant du principal décideur, le président de la République qui, selon une pratique bien établie, est autorisé à ne pas rendre des comptes devant le Parlement. Singularité de notre système constitutionnel qui fait que le principal responsable politique est politiquement irresponsable.
Avant même ces auditions, on commence à comprendre que chacun va se renvoyer la balle pour expliquer l’inexplicable, à savoir l’écart sidérant entre les prévisions budgétaires du ministère de l’économie et la réalité du déficit, un an plus tard. De ce point de vue, la position de défense que Bruno Le Maire, qui a été ministre de l’économie de 2017 à juillet 2024, semble déjà bien rodée si l’on en croit les déclarations relayées par la presse. Il dit et redit qu’il n’a cessé d’alerter le gouvernement et le président de la République sur le danger résultant de l’accroissement de la dette. Il l’aurait fait au lendemain du premier épisode de l’épidémie de Covid-19, en alertant le chef de l’Etat sur les dangers du slogan du « quoi qu’il en coûte ».
Impardonnable
Mais surtout, pour la période litigieuse qui vient de se dérouler, il aurait tenté de proposer au gouvernement et au chef de l’Etat un projet de loi de finances rectificatives (PFLR) pour tenir compte de l’aggravation de la situation. Une telle loi était devenue nécessaire en raison des textes existants qui interdisaient, compte tenu du montant de la dette, de continuer de recourir à un décret d’annulation budgétaire qu’avait utilisé, en février, le premier ministre de l’époque, Gabriel Attal.
Une telle proposition aurait été victime du veto présidentiel et celui du très puissant secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler. On se demande bien pourquoi à quel titre ce dernier est compétent… Lors d’une réunion à l’Elysée qui eut lieu le 8 avril, Emmanuel Macron se serait exclamé : « J’entends parler de PLFR. Je n’en vois pas l’intérêt. (…) Nous n’avons pas un problème de dépenses excessives, mais un problème de moindres recettes. » Alexis Kohler, lui, affirme : « Il n’y aura pas de PLFR. »
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