En pleine campagne électorale pour une course à la présidence aussi serrée que décisive pour l’avenir du pays, les Etats-Unis ont été frappés par deux catastrophes climatiques dévastatrices, les ouragans Helene et Milton, fin septembre et début octobre. Alors que les coûts financiers de ces catastrophes sont estimés à plusieurs dizaines de milliards de dollars, peut-on en estimer, ou en anticiper les conséquences politiques ?
Etant donné le consensus scientifique sur le lien entre réchauffement climatique et multiplication des catastrophes environnementales, la survenue, et a fortiori l’expérience personnelle, d’une catastrophe environnementale devrait agir comme un signal et amener les citoyens à s’unir dans le désir de lutte contre le réchauffement climatique. Et l’on pourrait s’attendre à ce que les citoyens favorisent des partis politiques qui prennent au sérieux la réalité du réchauffement climatique et proposent des solutions pour en atténuer les coûts humain et financier.
Or, c’est l’inverse qui se produit aux Etats-Unis. L’expérience d’une catastrophe vient au contraire creuser encore plus l’écart partisan entre les républicains et les démocrates (« Experience, Narratives, and Climate Change Beliefs », Milena Djourelova, Ruben Durante, Elliot Motte et Eleonora Patacchini, SSRN, 2023).
Les auteurs ont d’abord réalisé une expérience sur un petit échantillon de 400 personnes, en diffusant auprès de 200 démocrates et 200 républicains une vidéo sur des dégâts causés par l’ouragan Ian en Floride en 2022, et en les interrogeant ensuite sur la cause de cet ouragan. Confrontés au choix entre « changement climatique » et « imprévisibilité de la nature », seulement 13 % des républicains ont choisi la première option, contre 62 % des démocrates, soit un écart de 49 points entre les partisans des deux formations politiques.
Les chercheurs ont ensuite validé ces résultats en s’appuyant sur une large enquête auprès de plus de 50 000 personnes représentatives de la population américaine. Ils ont comparé les réponses de personnes habitant le même comté des Etats-Unis et interrogés la même année, mais certains avant et d’autres après la survenue d’une des 2 585 catastrophes environnementales classées comme telles par la Federal Emergency Management Agency entre 2000 et 2021, selon les hasards du calendrier de l’enquête.
Creusement des différences partisanes
Systématiquement, l’expérience locale d’une catastrophe creuse les différences partisanes entre démocrates et républicains : alors que cette expérience augmente les inquiétudes environnementales des démocrates de 1,4 à 2,6 points de pourcentage en moyenne, elle les réduit parmi les républicains ! L’écart se creuse plus encore quand les sondés sont interrogés sur la nécessité de combattre le réchauffement climatique par l’action publique.
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