Novak Djokovic court vite, très vite. Les centaines de joueurs s’étant inclinés face au Serbe depuis le début de sa carrière professionnelle en 2003 peuvent en attester. Le désormais 5e joueur mondial prouve aussi qu’il est capable de courir longtemps, et galope encore sur les courts du monde entier à bientôt 38 ans – il les fêtera en mai. Vendredi, il n’a même pas eu besoin de lâcher les chevaux et a rejoint la finale du Masters 1000 de Miami au petit trot, en se débarrassant d’une de ses victimes préférées, le Bulgare Grigor Dimitrov (6-2, 6-3). Il affrontera, dimanche 30 mars (dans la nuit de dimanche à lundi, heure de Paris), la surprise Tchèque Jakub Mensik, pas attendu à pareille fête du fait de sa 54e place mondiale.
Reste à savoir après quoi court encore justement Novak Djokovic. Car le sac de tennis du natif de Belgrade déborde plus de records que de raquettes. Aucun joueur n’a gagné plus de tournois du Grand chelem que lui (24, soit autant que l’Australienne Margaret Smith Court), et il est le seul à avoir remporté au moins trois fois chacun d’entre eux depuis sa victoire à Roland-Garros en 2023. Hommes et femmes confondues, il est aussi celui qui a passé le plus de semaines à la première place mondiale : 428.
Surtout, l’ogre serbe a semblé définitivement rassasié après avoir obtenu l’or olympique à Paris en 2024, le dernier titre majeur qui manquait à son immense palmarès notamment rempli par sept Masters de fin de saison, une Coupe Davis, chacun des Masters 1000 en au moins deux exemplaires, et donc 24 levées du Grand Chelem. « Gagner les JO surpasse tout ce que je pouvais imaginer. C’est probablement le plus grand succès de ma carrière », déclarait d’ailleurs Novak Djokovic, médaille autour du cou.
Connors et Federer dans le viseur
Une fois encore, Novak Djokovic était parvenu à faire ce qu’aucun autre n’avait réussi avant lui. Et il a semblé le payer en enchaînant ensuite les défaites et les blessures. Décompression ? Le poids de l’âge frappait-il finalement le corps longtemps indestructible du Serbe ? Toujours est-il qu’aucun autre titre n’est venu s’ajouter à sa collection en 2024, et que l’année suivante a commencé sur le même rythme, avec une déchirure musculaire à la cuisse gauche l’Open d’Australie et des sorties de pistes imprévues à Brisbane, Doha et Indian Wells.
Et si le jeu et surtout les efforts n’en valaient plus la chandelle pour Novak Djokovic, lui qui a fini par mettre Roger Federer et Rafael Nadal loin derrière lui au petit jeu du palmarès ? Au fil des années, il a aussi compris que sa cote de popularité n’atteindrait jamais celles de ses deux rivaux, fraîchement retraités, et n’en fait plus un combat quotidien.
Après près d’un an de disette, un éventuel trophée en Floride pourrait compter plus qu’il n’y paraît pour Djokovic. S’il prend le meilleur sur Jakub Mensik, il relancerait ainsi la machine à records en devenant le joueur le plus titré à Miami avec sept couronnes – il partage actuellement la première place avec André Agassi. Une ligne comme une autre dans le palmarès du Serbe, qui deviendrait surtout le troisième centenaire de l’histoire du tennis masculin. Ce 100e titre le placerait à quelques encablures du recordman Jimmy Connors (109) et de Roger Federer (103).
« Depuis ma 99e victoire, aux Jeux olympiques de Paris, je joue avec l’espoir de remporter les cent titres exceptionnels. J’ai disputé la finale de Shanghai [en octobre, perdue contre Jannik Sinner]. J’y étais tout près. J’ai également atteint les demi-finales en Australie. Ensuite, j’ai essayé de trouver le niveau de tennis indispensable qui me permettra de me battre pour un trophée, un grand trophée », a expliqué Djokovic après sa victoire sur Dimitrov.
Mater la jeunesse
A Miami, le Serbe n’a pas eu besoin de forcer son talent outre mesure pour atteindre sa 60e finale en Masters 1000 – là aussi un record partagé avec André Agassi. Il n’a pas croisé le moindre pensionnaire du Top 10 sur sa route et en a profité pour gagner ses six matchs sans perdre un seul set. Avec l’absence de Jannik Sinner, suspendu jusqu’au 4 mai après avoir été contrôlé positif à une substance interdite à deux reprises, et la méforme de Carlos Alcaraz, la hiérarchie en haut du circuit masculin est instable comme elle l’a rarement été ces deux dernières décennies.
Novak Djokovic n’a probablement pas manqué de s’en rendre compte et pourrait en profiter pour remplir encore sa besace à trophées dans les prochains mois. Le Serbe visera Roland-Garros, mais peut-être surtout Wimbledon, où il s’est incliné en finale face à Carlos Alcaraz lors des deux dernières éditions. Rien ne ferait sans doute plus plaisir au Serbe que de prendre sa revanche, et surtout mater la jeunesse.
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Avant même l’éclosion de l’Espagnol, un Novak Djokovic un brin provocateur montrait déjà sa volonté de lutter autant que possible avec la relève « On a beaucoup parlé de la nouvelle génération qui arrivait et prendrait le pouvoir sur nous trois [Federer, Nadal et Djokovic], détaillait-il à l’Open d’Australie 2021. On peut parler de ça toute la journée si vous voulez mais, avec tout le respect du monde, ils ont encore beaucoup de travail. »
Du haut de ses 19 ans, Jakub Mensik représente bien le type de joueur que Djokovic veut battre pour marquer un peu plus les esprits, des fans et de ses adversaires. Il le fera peut-être sous les yeux de Lionel Messi, la star de l’Inter Miami, déjà présent en tribunes avec sa famille lors des demi-finales. Tout ce beau monde a eu l’occasion de se rencontrer ensuite dans les vestiaires. « L’un de ses fils m’a donné aujourd’hui la note de 8/10, ce qui est plutôt bien. Il m’a dit, d’un air sérieux, que je devais faire 10/10 au prochain match », a raconté Djokovic en conférence de presse. Un défi comme un autre pour le Serbe, qui n’en manque décidément pas.