Vue imprenable
Surplombant les flots, la citadelle domine Belle-Ile-en-Mer de ses remparts. Chaque année, quelque quatre cent mille touristes débarquent au port du Palais, commune capitale de la plus grande des îles bretonnes. Or, depuis quatre ans, l’office de tourisme est contraint de répondre par la négative aux nombreux vacanciers souhaitant visiter la citadelle : elle est fermée au public. Ce 15 août, Tibault Grollemund, maire du Palais, a annoncé, à l’occasion d’une commémoration des disparus en mer, que le « joyau » bellilois avait trouvé repreneur. Et resterait « sous pavillon français ». L’heureux propriétaire n’est autre que le groupe hôtelier Accor. Contactée, la multinationale précise qu’il s’agit pour l’instant d’une seule promesse de vente, qui devrait être finalisée « au courant de l’automne » 2024. Montant de l’opération : 13 millions d’euros. Versée par Accor, cette somme atterrira donc dans les caisses de sa propre filiale, Paris Society, dernier propriétaire du monument.
Lot de promesses
Ce schéma de reprise, pour le moins singulier, laisse les Bellilois dubitatifs. Francis Villadier, adjoint à la mairie du Palais, chargé de la culture et du patrimoine, assure que « Tibault Grollemund s’est entretenu par téléphone avec le PDG d’Accor [Sébastien Bazin]. Ce dernier s’est engagé à tenir une réunion avec les acteurs locaux à la fin du mois de septembre pour définir les contours du projet de réhabilitation ». Si rien n’est encore établi, plusieurs promesses ont été faites. Parmi elles, garantir le libre accès à la citadelle, du moins à ses espaces extérieurs, aux Bellilois et aux touristes, mais aussi entreprendre les travaux les plus urgents, dont la consolidation des murs d’enceinte. Accor évoque un projet « d’abord pensé pour les habitants ». Francis Villadier tout comme Geneviève Tinchant, guide conférencière à la citadelle depuis ses 16 ans, restent toutefois sur leurs gardes. « Nous serons les spectateurs vigilants de cette rénovation. »
Longtemps à l’abandon
Il faut dire qu’à Belle-Ile, beaucoup regrettent l’époque des époux Larquetoux. Ces derniers avaient acheté la citadelle, alors ensevelie sous la végétation et rongée par l’air marin, à l’administration des Domaines, en 1960. Construit au XVIe siècle et réfectionné par Vauban sous le règne de Louis XIV, l’ouvrage avait été laissé à l’abandon après son déclassement en tant que site militaire, en 1933. A partir des années 1980, les Larquetoux se lancent dans de grands travaux de réhabilitation. Geneviève Tinchant se souvient avec émotion d’une « époque exaltante ». Casemates, poudrière, arsenal… tous les éléments de l’ouvrage sont restaurés. Le lieu devient musée mais aussi résidence d’artistes et accueille des festivités. A la mort d’André Larquetoux, en 2004, son épouse, Anna, se résout à mettre la citadelle en vente. Elle est acquise par Philippe Savry, président de la société Les Hôtels particuliers. Il conserve le musée et entame le processus de conversion de la citadelle en hôtel.
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