Même lieu, deux ambiances, très différentes. Emmanuel Macron est revenu, vendredi 17 janvier, dans un quartier de Beyrouth où il avait été accueilli quasiment en héros après l’explosion d’août 2020, et dont les habitants espèrent enfin percevoir « une lueur d’espoir », très tardive.
Le 6 août 2020, deux jours seulement après la déflagration au port de la capitale du Liban, qui avait défiguré la ville et fait plus de 220 morts et 6 500 blessés, le président français était venu rue Gouraud, dans le quartier de Gemmayzé.
Au milieu des maisons éventrées, marchant sur les débris, il avait été salué par une véritable cohue, au rythme des applaudissements et des « Vive la France » d’une foule en colère contre la classe politique libanaise, jugée corrompue et responsable de l’incurie qui avait mené au drame. « Aidez-nous ! Vous êtes le seul espoir », lui avait lancé une habitante.
Trois semaines plus tard, il revenait au Liban mobiliser les partis politiques pour former un gouvernement, en vain. Et, face à l’échec, il n’avait pas honoré la promesse d’un retour en décembre de la même année. « J’étais ici le 6 août 2020 et je n’oublie rien », a-t-il déclaré vendredi, dans la même rue de Gemmayzé.
« On a été très déçus »
Le quartier tendance où s’enchaînent les bars branchés et les galeries d’art est revenu à la vie grâce à l’initiative de ses habitants et d’ONG. Certains projets ont été financés avec des fonds français, et on montre à Emmanuel Macron des photos avant/après cette reconstruction.
L’accueil est bienveillant, mais sans l’effervescence et le sentiment d’urgence qui régnait en 2020. Une femme, qui se présente comme « une des blessés du 4 août [2020] », se fraie un chemin jusqu’au chef de l’Etat. « Le 6 août [2020], quand vous êtes venus, on a été très déçus » de voir que l’espoir d’un sursaut politique ne s’était finalement pas concrétisé, lui dit-elle. « Moi-même j’espérais qu’il y ait à ce moment-là un sursaut… Il a fallu quatre ans pour qu’il accouche », lâche en réponse le président.
Mais maintenant que le Parlement a réussi, la semaine dernière, à élire un président, le général Joseph Aoun, après deux ans de vacance à ce poste, « c’est une nouvelle ère qui commence », assure-t-il à cette dame, qui se demande s’il vaut vraiment croire à une « lueur d’espoir ». Dans ce quartier majoritairement chrétien, elle demande à la France d’être « à côté du Liban pour former un nouveau gouvernement », avant d’embrasser Emmanuel Macron.
Pour le reste, les échanges sont plus policés. Plusieurs représentants d’associations prépositionnés dans la rue attendent le chef de l’Etat pour lui exposer leurs projets. « Le moral est bon ? », s’enquiert-il, un bracelet aux couleurs du Liban au poignet, entre les selfies et les cafés offerts. « La France, c’est notre maman », sourit une responsable d’association. A une dame âgée qui lui dit qu’il est adorable, Emmanuel Macron glisse : « Le Liban est cher à mon cœur. »
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Un commerçant assure que « quelque chose se passe ». Mais « il faut que ça aille vite », prévient le président français, qui dira plus tard, à côté de son nouvel homologue, que cet « espoir » qu’il incarne ne doit pas « se perdre à nouveau dans les sables mouvants des arrangements » politiques, et empêcher la formation d’un gouvernement sous la houlette du premier ministre désigné, Nawaf Salam.
Une conférence à Paris pour aider à la reconstruction du Liban
Emmanuel Macron a par ailleurs affiché, vendredi, son soutien aux nouveaux dirigeants libanais. Il a salué le récent déblocage politique et a appelé à accélérer l’application de l’accord de cessez-le-feu dans le sud du Liban, qu’il a évoqué lors d’un entretien avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, également en visite à Beyrouth.
« Je suis convaincu que les prochains jours permettront de donner un gouvernement » au Liban, a assuré en fin de visite Emmanuel Macron devant la communauté française, après avoir rencontré dans la journée le premier ministre désigné, mais aussi le président du Parlement, Nabih Berri, allié du Hezbollah.
Le président français a également annoncé la tenue « dans quelques semaines », à l’occasion d’une visite de Joseph Aoun à Paris, d’une « conférence internationale pour la reconstruction, afin de mobiliser les financements ». Il a estimé que « la communauté internationale » devait « anticiper un soutien massif à la reconstruction des infrastructures », au Liban, qui vit depuis cinq ans une crise économique inédite. Le pays sort en outre d’une guerre dévastatrice entre le Hezbollah pro-iranien et Israël, à laquelle un accord de cessez-le-feu a mis fin le 27 novembre 2024.