Durant les derniers jours de septembre, l’armée israélienne a bombardé un local du Hamas et une mosquée, dans un camp de réfugiés au milieu de Gaza. Cette frappe, une parmi des milliers, n’a pas retenu l’attention des habitants de l’enclave. Les bâtiments étaient vides, seuls deux passants ont été tués. Puis une fois l’onde de choc passée, les voisins se sont dit discrètement, entre eux, qu’ils se sentaient beaucoup mieux sans ce local du Hamas.
« Depuis un an, je redoutais le jour où une bombe nous tomberait dessus à cause d’eux. Notre salon a été soufflé. Un gros débris a frôlé la tête de ma fille et a failli la tuer, mais maintenant je respire mieux », raconte d’une voix très animée Khalil, un voisin joint par téléphone. Ce père de famille tient à demeurer anonyme, de crainte de représailles du mouvement islamiste.
Au début de la guerre, Khalil avait quitté sa maison, craignant ce bombardement. De santé fragile, il a erré durant des mois entre divers abris, il a cru y perdre la tête, puis il a préféré prendre le risque de rentrer chez lui. « On se disait que les Israéliens épargnaient le local parce qu’ils avaient un informateur à l’intérieur. La veille encore, le Hamas y distribuait de la viande, peste Khalil. Nous étions choqués, parce que la plupart des gens n’ont plus les moyens de s’en acheter. Le Hamas préfère nourrir les siens, plutôt que d’en donner aux plus pauvres, qui peinent à survivre avec les rations humanitaires. »
« Mon ennemi »
Après un an de guerre, ces critiques que Khalil exprime de manière anonyme sont courantes à Gaza. Elles circulent largement sur les réseaux sociaux, où le Hamas est désigné par des périphrases qui ne trompent personne : « Mon ennemi » ou « mon mal ». En pleine rue, sur les marchés, certains vont jusqu’à blâmer à voix haute les chefs politiques du mouvement. « J’ai cru qu’ils allaient nous libérer le 7 octobre 2023, j’étais heureux ! », se souvient Obaida Shamali, un jeune garçon de 18 ans, lui aussi joint par téléphone, Israël interdisant à la presse étrangère de se rendre à Gaza.
Obaida a perdu depuis lors ses deux plus proches amis. Déplacé dans le centre de Gaza, il tâche de subvenir aux besoins de sa mère et de ses trois petits frères et sœurs. « Nos rêves se sont évanouis, dit-il. Nous nous sommes rendu compte que le Hamas n’avait pas pensé à protéger les civils quand ils ont préparé leur opération, et maintenant nous vivons par leur faute une nouvelle Nakba », la « catastrophe » qui accompagna la naissance d’Israël en 1948 et provoqua l’exode forcé de quelque 700 000 personnes.
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