Est-ce une exposition où l’on peut lire ou une bibliothèque ouverte sur le remède à la mélancolie qu’offre l’univers de Benoît Piéron ? C’est « un syndicat d’initiative pour voyageurs immobiles », tranche l’artiste. La première grande exposition monographique de ce fraîchement quarantenaire, qui retrace les œuvres charnières de son parcours artistique jusqu’à aujourd’hui, se fait joyeusement expérimentale. Elle croise en effet trois univers : celui du musée, celui de l’hôpital et celui d’une bibliothèque de quartier. Et la greffe prend.
Le mélange des genres et des usages se fait en douceur : passé la billetterie, devenue pour l’occasion simple comptoir d’accueil pour des entrées libres, la première salle ressemble à s’y méprendre à une salle de lecture, avec ses rayonnages et le bureau des bibliothécaires. Dans le détail, l’artiste a coloré les étagères des gradients de couleurs qui font partie de son « héraldique » : les tons pastel des draps d’hôpitaux, rose, jaune, vert, bleu. Et un mur est recouvert d’un papier peint aux motifs géométriques plus figuratifs qu’il n’y paraît si on les observe de plus près.
Inventer une hybridation
Que vient faire là cette bibliothèque ? Tout est histoire de contextes et d’échappées belles par la rêverie et l’imaginaire chez ce fils de bibliothécaire, qui a grandi à l’hôpital en tant qu’enfant touché par diverses maladies. Pendant la préparation de l’exposition, deux bibliothèques de quartiers proches du Magasin fermaient temporairement. L’idée a mûri entre l’artiste et la commissaire de l’exposition, Céline Kopp, aussi directrice des lieux, d’inventer une hybridation, d’autant que les installations de l’artiste, toujours soucieuses des corps las et des pauses, incluent toujours des sièges, des coins de repos avec des livres ou des jeux pour enfant à disposition.
La salle vitrée ouvre sur la « Rue intérieure », immense espace central des lieux, sous verrière, qui distribue les espaces du centre d’art. Livre en main ou pas, usagers et visiteurs sont invités à poursuivre la visite vers cet extérieur aux airs de jardin intérieur. On y croise de grands tas de draps pastel au sol, au rebut ou en attente d’être lavés dans ce lavomatic, aux cycles de lavage oniriques, qui fait office de sas d’entrée dans l’exposition. Leurs grands yeux leur donnent des airs de monstres domestiques ou de montagnes molles. Ces centaines de kilos de draps sont le fruit d’un partenariat local avec le CHU pour récupérer des draps d’hôpital réformés, matière première de beaucoup d’œuvres de l’artiste.
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