Plus de deux cents points de blocage à travers le pays, de longues files de tracteurs paralysant autoroutes, carrefours, centres-villes et passages frontaliers : la nouvelle journée de mobilisation des agriculteurs polonais, mardi 20 février, a battu des records de participation. Les revendications restent les mêmes depuis le début de l’année, mais se sont radicalisées : les protestataires demandent désormais un « embargo complet » sur les produits agricoles et alimentaires ukrainiens, ainsi que le retrait de la Pologne du Pacte vert européen.
Ils dénoncent l’explosion de leurs coûts de production alors que silos et entrepôts sont saturés et que les prix sont au plus bas, et redoutent une « catastrophe » dans la perspective des prochaines moissons.
Au point de passage frontalier de Medyka, dans le sud du pays, les agriculteurs ont investi les rails et déversé au sol plusieurs tonnes de grains ukrainiens que contenaient des wagons à l’arrêt. Des actions qualifiées d’« illégales (…), honteuses et infâmes » par l’ambassadeur d’Ukraine à Varsovie, Vasyl Zvarych. Signe supplémentaire que les relations entre les deux pays se tendent, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a réagi en dénonçant une « érosion de solidarité » : « La situation à la frontière polonaise ne peut pas être considérée comme normale. Il y a un besoin clair de justice. Seulement 5 % de nos exportations agricoles passent par la frontière polonaise. En réalité, la situation ne concerne pas le grain, c’est une affaire politique. »
Une « juste cause »
Interrogé sur ces propos, le ministre du développement polonais, Krzysztof Hetman, membre du parti paysan PSL, a affirmé soutenir la « juste cause » des manifestants. « En tenant compte du fait que nous soutenons l’Ukraine depuis le premier jour, je serais prudent en exprimant de telles opinions, car il ne s’agit pas de politique. Je conseillerais à nos amis ukrainiens d’être un peu plus sensibles aux problèmes des agriculteurs polonais. » Le ministre n’a pas exclu de militer au sein de la coalition au pouvoir pour une extension de l’embargo, si une solution n’était pas trouvée au niveau européen.
De son côté, dans un entretien à l’édition ukrainienne du magazine Forbes, le ministre de l’agriculture ukrainien, Mykola Solsky, a menacé d’imposer un embargo sur l’importation de produits alimentaires polonais en guise de rétorsion.
Les tensions entre Kiev et Varsovie se sont accrues en septembre 2023, quand la Commission européenne n’a pas prolongé l’embargo sur le grain ukrainien pour la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie. La Pologne, gouvernée alors par le parti national-populiste Droit et justice (PiS), a décidé de prolonger cet embargo contre l’avis de Bruxelles, ce qui a entraîné une plainte de Kiev à l’Organisation mondiale du commerce.
Il vous reste 51.32% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.