Voilà une rencontre fracassante, entre la démesure de l’écrivain américain Tristan Egolf et l’avidité du metteur en scène Paul Balagué. A la MC93 de Bobigny, le théâtre retrousse ses manches et entame l’une de ces cavalcades insensées dont il a le secret lorsqu’il décide que rien ne doit le freiner dans sa course : ni la durée de la représentation (cinq heures, avec un entracte de vingt minutes), ni l’ampleur du texte adapté (les quelque 600 pages du roman Le Seigneur des porcheries). Ni les dimensions initiatiques, christiques, politiques et shakespeariennes de l’histoire racontée, ni les titubations finales, aussi enthousiastes qu’épuisées, du public.
Propulsé dans la grande salle de la MC93 (la directrice, Hortense Archambault, fervent soutien du travail de Paul Balagué, y tenait), ce spectacle se déploie dans un espace bricolé en trois semaines et demie de répétitions sur le plateau. Des sacs-poubelle emballent les rares éléments de décor (panneaux et chaises). Au sol, une immense bâche noire. Depuis les cintres tomberont, en cours de représentation, de longs voilages sombres qui suggèrent des forêts, des géants, ou bien encore des pierres tombales. Plus tard, la bâche lacérée se redressera de toute sa hauteur, offrant aux regards la vision désolante d’un infranchissable mur en lambeaux. A la cour, un musicien (Grégoire Léauté) donne le coup d’envoi d’un grattement sec de sa guitare, sons discordants et monologue oppressé. Le mot « chaos », asséné avec force, en est la pierre angulaire.
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