Initialement prévu en 2020 pour clore le mandat à la tête de l’Opéra de Paris de Stéphane Lissner (parti en 2021), annulé pour cause de pandémie de Covid-19, L’Or du Rhin, qui sert de prologue aux trois journées du « Ring » wagnérien (La Walkyrie, Siegfried et Le Crépuscule des dieux), inaugurait enfin, le 28 janvier, une « Tétralogie » dont la programmation se poursuivra jusqu’en 2026. Enfin ? Signée par le metteur en scène catalan Calixto Bieito, c’est peu dire que la production est une déception, et l’on comprend différemment la décision du Catalan (coquetterie au départ, sauve-qui-peut à l’arrivée ?), qui a fait savoir ne venir saluer le public qu’à la toute fin des quatre opéras.
Est-ce le passage du temps sur un concept qui, pour être d’une acuité brûlante en 2020, est devenu un lieu commun cinq ans plus tard ? C’est dans un contexte dominé par la virtualité numérique et la déshumanisation des masses que Bieito a imaginé son voyage wagnérien. Sur le plateau, des images de big data, un bric-à-brac de robots humanoïdes, de cerveaux connectés, de personnages câblés – accablés, pour les dieux postcrépusculaires dès leur apparition, élite décadente affalée sous des couvertures de survie dans un immense canapé, rêvant d’éternelle jeunesse et de transhumanisme. Brutalité à tous les étages. Des Filles du Rhin en combinaison de plongée façon James Bond Girls serrant contre elles leurs bouteilles d’oxygène après le vol de l’or par Alberich, des héros mythologiques laissés à leurs seules pulsions agressives. Il y a dans la vision de Bieito comme des relents du huis clos de The Exterminating Angel, de Thomas Adès, qu’il a mis en scène in loco, en 2024.
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