Le couvre-feu instauré dans le centre-ville de Los Angeles aura duré une semaine. La maire de la mégapole californienne, Karen Bass, a décidé, mardi 17 juin, de lever cette mesure exceptionnelle lancée le 10 juin pour mettre fin aux violences et aux dégradations constatées lors de manifestations contre la politique de Donald Trump. L’indignation d’une partie de la population était née d’une vague d’interpellations musclées de sans-papiers par la police de l’immigration (ICE).
Le président américain a alors accusé les autorités locales démocrates d’avoir perdu le contrôle de la ville, et a envoyé 4 000 soldats de la garde nationale de Californie, ainsi que 700 militaires des marines. Une décision largement dénoncée par les responsables locaux, qui l’ont accusé d’instrumentaliser la situation.
Malgré des images spectaculaires de voitures de taxis sans chauffeur incendiés, des pillages et des heurts avec la police, les incidents se sont concentrés sur quelques pâtés de maisons du centre-ville. Le couvre-feu nocturne décidé par la maire démocrate couvrait à peine 13 km² de cette ville tentaculaire. Cette mesure « a largement contribué à protéger les magasins, les restaurants, les entreprises et les communautés résidentielles contre les malfaiteurs qui se moquent du sort de la communauté immigrée », a estimé la démocrate mardi, en annonçant sa levée.
Le couvre-feu « réinstauré » si besoin
Depuis ce week-end, où la marche « No Kings » (« Pas de rois ») a vu des milliers de personnes protester dans le calme, la tension est largement retombée à Los Angeles. Mardi, le centre-ville était peuplé de passants circulant au milieu de nombreux commerces encore barricadés et parfois recouverts de graffitis. Mais la maire s’est dite prête « à réinstaurer » un couvre-feu si besoin.
En intensifiant son offensive anti-immigration à Los Angeles, Donald Trump s’est attaqué à la Californie, Etat sanctuaire pour les sans-papiers, avec une importante population immigrée. Son déploiement de la garde nationale, sans le consentement du gouverneur de l’Etat – qui a aussi autorité sur ce corps militaire – est une première depuis 1965 aux Etats-Unis.
Le gouverneur, Gavin Newsom, a dénoncé une manœuvre autoritaire et lancé une procédure judiciaire pour en récupérer le contrôle. La semaine dernière, un juge fédéral lui a donné raison, en estimant ce déploiement illégal et que la violence constatée, limitée à quelques quartiers, est « bien loin » de la « rébellion » invoquée par le gouvernement fédéral. Mais l’exécution de sa décision a immédiatement été repoussée, le temps qu’une cour d’appel de San Francisco puisse examiner l’appel du ministère de la justice.
Une trentaine de personnes poursuivies
Lors d’une audience devant la cour mardi, le représentant du ministère, Brett Shumate, a affirmé que les « membres de la garde nationale sont essentiels » à Los Angeles. Leur mission est de « protéger les bâtiments fédéraux contre de nouvelles violations et des émeutes violentes impliquant des feux d’artifice, des cocktails Molotov et des morceaux de béton lancés sur les agents » de la police de l’immigration, a-t-il insisté, en rappelant qu’ils n’ont « pas de mission de maintien de l’ordre ».
De son côté, le représentant de la Californie, Samuel Harbourt, a déclaré que les forces de l’ordre locales « font leur travail » et gèrent la situation. La police de Los Angeles a effectué près de 600 arrestations depuis le début des manifestations et, mardi, le procureur local a annoncé des poursuites contre une trentaine de personnes.
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Dans ces conditions, le déploiement de la garde nationale est une « mesure extrême » et injustifiée, selon M. Harbourt. Elle risque « d’aggraver encore les tensions et le risque de violence dans la ville de Los Angeles ».
Attendue dans les prochains jours, la décision de la cour d’appel sera scrutée de près. L’affaire aura des conséquences importantes sur le pouvoir d’un président américain pour utiliser l’armée sur le sol national, et pourrait remonter jusqu’à la Cour suprême, à majorité conservatrice.
« Je suis convaincu que le bon sens prévaudra ici », a estimé, mardi, M. Newsom, dans un communiqué en marge de l’audience. « L’armée américaine a sa place sur le champ de bataille, pas dans les rues américaines », a ajouté le gouverneur démocrate.