On peut afficher plus d’un milliard d’euros de bénéfices au premier semestre 2024, être régulièrement cité en exemple des entreprises réalisant des « superprofits » et faire l’événement en matière de lutte contre la précarité. Vendredi 6 décembre dans le quartier d’Arenc à Marseille, c’est en présence de Brigitte Macron, du préfet de région Christophe Mirmand, de grands élus locaux et du chanteur Soprano que la fondation CMA CGM, branche caritative de l’armateur, a inauguré son « entrepôt solidaire ». Cinq mille mètres carrés de hangar portuaire rénové, posés à quelques dizaines de mètres du siège mondial du groupe, capables de stocker 3 200 tonnes de denrées alimentaires. Un projet imposant avec lequel le groupe se substitue aux compétences des pouvoirs publics.
Ce paquebot de la solidarité, unique en France, va permettre à cinq associations majeures de lutte contre la précarité alimentaire de métamorphoser leurs conditions de travail dans les Bouches-du-Rhône. Et, grâce à une mutualisation de leurs charges, de réorienter une partie de leur budget jusqu’alors dépensée en loyers et logistique, vers la distribution de denrées aux populations qui en ont besoin.
« Nous passons d’un entrepôt devenu exigu et en mauvais état à une surface plus importante, plus pratique, équipée d’engins spécialisés et mieux sécurisée », énumère, ravi, le président départemental des Restaurants du Cœur, Alain Evezard. Sa structure, qui distribue chaque année près de 5 millions de repas dans le département, a investi en octobre la moitié des volumes de l’entrepôt solidaire. Elle y implantera son antenne locale, tout comme la Croix-Rouge, destinataire, elle, d’un quart de la surface. Le Secours populaire (15 % du site), le Secours catholique et le réseau des épiceries solidaires Andes (groupe SOS), complètent cette colocation d’un nouveau genre.
Raz-de-marée de demandes
Dans une ville où plus de 200 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, selon le « Rapport sur la pauvreté en France » de l’Observatoire des inégalités publié mardi 3 décembre, chacune de ces associations témoigne d’un raz-de-marée de demandes. Pour elles, la proposition de la CMA CGM n’était pas de celles que l’on refuse. « Même en mettant tous nos moyens en commun, nous n’aurions pu bénéficier d’un entrepôt comme celui-là », constate Alain Evezard.
Outre la qualité des prestations, les associations saluent la manière dont les équipes de la fondation ont pris en compte leurs spécificités, au cours de la gestation du projet. « Nous avions la volonté de préserver notre indépendance, notre manière de faire… Ils l’ont compris », témoigne Farida Benchaa, secrétaire générale de la fédération départementale du Secours populaire, qui estime à 40 000 euros les économies annuelles qu’elle fera.
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