Pour la toute première fois depuis sa création, l’état de « calamité naturelle exceptionnelle » a été activé à Mayotte, mercredi 18 décembre en soirée, par le gouvernement français. Prévu spécifiquement pour les territoires ultramarins, ce tout nouveau dispositif permettra, selon le ministère des outre-mer, d’assurer « une gestion plus rapide et efficace de la crise et faciliter la mise en place de mesures d’urgence » après le passage meurtrier du cyclone Chido qui a laissé l’archipel français de l’océan Indien dans un état de dévastation totale.
D’une durée initiale d’un mois, la mesure peut être renouvelée par périodes de deux mois, et « permet une plus grande réactivité aux autorités locales et nationales, tout en allégeant certaines procédures administratives », précise le ministère, dans un communiqué.
Le cyclone Chido, le plus intense qu’ait connu Mayotte depuis 90 ans avec des vents à plus de 220 km/h, a frappé, le 14 décembre, le département le plus pauvre de France, où un tiers de la population vit dans des logements précaires. Selon un bilan provisoire du ministère de l’intérieur, il a fait 31 morts et quelque 1 400 blessés, même si les autorités anticipent un nombre de victimes beaucoup plus important.
Quatre tonnes de fret alimentaire et sanitaire dans l’avion présidentiel
Emmanuel Macron est attendu, jeudi, vers 10 h 30 locales (8 h 30 à Paris) dans l’archipel où il doit passer une partie de la journée. Le chef de l’Etat emmène dans son avion quatre tonnes de fret alimentaire et sanitaire, ainsi que des secouristes « qui viennent prêter main-forte à leurs camarades déjà engagés auprès des Mahorais », a expliqué le président sur X, au moment de s’envoler mercredi soir.
Selon un programme diffusé mercredi, M. Macron se rendra, après une « reconnaissance aérienne du territoire sinistré », au centre hospitalier de Mamoudzou (CHM) où « il s’entretiendra avec le personnel soignant et les patients pris en charge ». Vitres soufflées, services inondés et matériel détruit, « l’hôpital a subi de gros dégâts, mais il a continué de fonctionner malgré les difficultés », souligne son directeur, Jean-Mathieu Defour. « Petit à petit, on réintègre des services à mesure qu’on arrive à les nettoyer », ajoute-t-il.
M. Macron se rendra ensuite « dans un quartier détruit, au contact des services de secours » mobilisés. Enfin, le président français doit « échanger sur la situation de l’île avec les élus », avant de repartir pour Djibouti, où il doit partager vendredi, comme prévu initialement, le traditionnel repas de Noël avec les militaires français déployés à l’étranger. Le chef de l’Etat devrait préciser le « deuil national » qu’il a l’intention de décréter, et commencer à esquisser le titanesque chantier de la reconstruction.
« La tragédie de Mayotte est probablement la catastrophe naturelle la plus grave de l’histoire de France depuis plusieurs siècles », a écrit, de son côté, le premier ministre, François Bayrou, dans un courrier adressé mercredi aux forces politiques. Il avait fait savoir, mardi, qu’il se rendrait lui aussi sur place après le chef de l’Etat, et une fois qu’il aura composé son gouvernement, « pour mobiliser la totalité des moyens de l’Etat ».
Un pont maritime civil organisé depuis la Réunion
Grâce à l’entraide et la débrouille, en martelant la tôle ou en posant des toits de fortune sur les habitations soufflées par le vent, le paysage de désolation du début a déjà changé. Mais dans les quartiers les plus touchés, comme Kawéni, le plus grand bidonville de France en périphérie de Mamoudzou, le risque est fort de voir les logements précaires, souvent faits de tôle, se reconstituer à l’identique à la va-vite pour faire face à la saison des pluies qui arrive.
L’une des priorités du moment est d’assurer les besoins vitaux en eau et en nourriture de la population. Plus de 100 tonnes de vivres devaient être distribuées mercredi, selon le ministre de l’intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau.
« On passe à la phase massive du soutien à Mayotte », a aussi déclaré Patrice Latron, le préfet de La Réunion, île d’où les autorités ont lancé un « pont maritime civil » qui va démarrer dans la nuit avec le départ de quelque 200 conteneurs attendus, dimanche, sur l’archipel. Parmi ce chargement, l’équivalent de « millions de litres d’eau ». L’alimentation de Mayotte en eau « fonctionne à 50 % » a précisé, mercredi, François-Noël Buffet, ministre démissionnaire des outre-mer, mais elle présente un risque de « mauvaise qualité ». Grâce à ces envois, « aucune pénurie d’eau en bouteilles n’est prévue », se sont félicitées les autorités.
L’électricité, elle, n’est que « partiellement remise en route ». Les routes, elles, sont majoritairement déblayées. A Mayotte, un hôpital de campagne avec une centaine de lits médicalisés sera mis sur pied dans les prochains jours, a par ailleurs annoncé M. Buffet.
Le système éducatif très touché
L’établissement d’un bilan humain est également l’un des enjeux des autorités. Pour l’heure, vingt-deux décès ont été recensés à l’hôpital et neuf par les communes. Mais le décompte officiel, a reconnu le ministère de l’intérieur, « n’est pas en adéquation avec la réalité des 100 000 personnes qui vivent dans un habitat précaire », occupé en grande partie par des immigrés venant des Comores voisines.
Une mission de recherche a été mise en place pour réaliser ce décompte, rendu d’autant plus délicat que les Comores, d’où est originaire une partie des habitants de Mayotte, sont une terre de forte tradition musulmane. Or, selon les rites de l’islam, les défunts doivent être enterrés au plus vite.
Pour éviter les pillages, un couvre-feu a été instauré depuis mardi soir de 22 heures à 4 heures locales. Quelque 2 000 membres des forces de l’ordre sont ou vont être mobilisées. Il faut pouvoir « assurer l’ordre public pour ne pas ajouter du désordre au désordre », a déclaré Bruno Retailleau.
Le système éducatif est aussi très touché : les 221 écoles, vingt-deux collèges et onze lycées de l’archipel « sont tous impactés. 40 % du bâti scolaire est endommagé donc pas utilisable pour l’instant », fait-on savoir au ministère de l’éducation nationale. Quelque vingt-sept établissements accueillent par ailleurs 9 000 sinistrés. « Le ministère travaille activement à la préparation de la rentrée scolaire à partir du 13 janvier », ajoute le ministère, rappelant que 117 000 élèves sont normalement scolarisés à Mayotte.
En parallèle, la fédération professionnelle France Assureurs a annoncé l’envoi d’une « mission de reconnaissance » pour anticiper les déclarations de sinistres, sachant que, selon l’administration, très peu de ménages sont effectivement assurés sur l’archipel.