Emmanuel Macron est arrivé, lundi 21 avril, à Mayotte, première étape d’une tournée de cinq jours dans l’océan Indien. Quatre mois après le passage dévastateur du cyclone Chido, le chef de l’Etat y a présenté un plan de « refondation » de l’archipel, qui vise à renforcer la lutte contre l’immigration clandestine, l’habitat illégal, l’insécurité et à soutenir l’économie locale. Celui-ci comportera une enveloppe de plus de trois milliards d’euros sur six ans, a-t-il annoncé.
Ce financement de 3,2 milliards d’euros prévu entre 2025 et 2031 selon l’Elysée « aura vocation, avec des clauses de revoyure, à être régulièrement passé en revue », a ajouté le chef de l’Etat dans un discours. Il comportera « des fonds nationaux », mais aussi « des fonds européens », et « les bailleurs internationaux que nous souhaitons mobiliser ».
Après son arrivée lundi à 8 h 15 (7 h 15 à Paris) à Mamoudzou, le chef de l’Etat a notamment visité un centre hospitalier à Mamoudzou et s’est rendu à Tsingoni, dans l’ouest de l’île. Il est accompagné de Manuel Valls (ministre des outre-mer), d’Annie Genevard (agriculture), de Yannick Neuder (santé) et de Thani Mohamed Soilihi (francophonie).
« Je veux rendre hommage à la force de résistance de tout le peuple mahorais, a déclaré à la presse le président de la République, sur le tarmac de l’aéroport. On a répondu à l’urgence extrême. Maintenant, je suis là pour faire le constat de ce qui est bien fait, ce qui n’est pas assez bien fait, pour donner un coup d’accélérateur. »
Le plan de « refondation », attendu depuis des années, doit être entériné dans la soirée lundi par un conseil des ministres spécial qu’il présidera en visioconférence depuis l’avion qui le mènera de Mayotte à La Réunion, deuxième étape de sa tournée de cinq jours dans l’océan Indien. L’exécutif souhaite l’adoption de ce projet de loi par le Parlement d’ici à l’été. « Je suis lucide, ce n’est pas un texte de loi qui réglera la situation », a-t-il expliqué lundi. « C’est une volonté de chaque instant (…) pour régler les problèmes de fond » auxquels est confronté l’archipel. « Nous avons de grandes entreprises françaises qui vont se déployer » à Mayotte, a-t-il promis.

Une loi d’urgence, destinée à faciliter la reconstruction de Mayotte par le biais d’assouplissements aux règles d’urbanisme et de commande publique, a déjà été adoptée en février, deux mois après le passage du cyclone qui a fait 40 morts et causé 3,5 milliards d’euros de dommages.
Ambitions françaises
Lors de cette tournée, M. Macron compte réaffirmer les ambitions françaises de puissance régionale et une volonté de coopération renforcée avec les Etats du sud-ouest de l’océan Indien. Après des étapes à Mayotte et à La Réunion, les deux départements aux avant-postes de la présence française dans cette zone, il se rendra à Madagascar et à l’île Maurice. Jeudi, il participera à Antananarivo, la capitale malgache, au cinquième sommet de la Commission de l’océan Indien (COI), qui réunit cinq Etats insulaires (Madagascar, Maurice, Comores, Seychelles, France au titre de La Réunion).
Grâce à ses multiples îles et îlots à travers les océans, la France possède le deuxième espace maritime du monde (10 millions de kilomètres carrés), dont 27 % dans cette partie du globe. Avec les îles Eparses (Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India), des « confettis » quasi inhabités – sans compter Mayotte, au Nord –, elle contrôle plus de la moitié de la surface du canal du Mozambique, redevenu un carrefour stratégique du transport maritime international. Elle dispose également de moyens militaires, dont une base navale à La Réunion, et économiques conséquents par rapport aux pays riverains.
Mais Madagascar revendique la souveraineté sur les îles Eparses tout comme les Comores sur Mayotte, qui s’en est détaché lors de leur indépendance, en 1975, pour rester française. L’île Maurice réclame, de son côté, Tromelin au nord de La Réunion.
Le canal du Mozambique renferme d’importantes réserves en hydrocarbures et halieutiques. Le rôle de la France y est désormais disputé par la Chine, qui investit massivement dans la zone, notamment à travers le développement de ports, et dispose d’une importante flotte de pêche. Les Etats-Unis, la Russie et l’Inde y renforcent également leur présence. Russes et Chinois y ont mené des exercices militaires avec l’Afrique du Sud. La Russie, après avoir tenté en vain d’adhérer à la COI en 2020, a apporté son soutien à Madagascar dans sa revendication sur les îles Eparses, tout comme aux Comores, dont elle s’est rapprochée, pour Mayotte.
Face à ces résistances, Emmanuel Macron devrait s’en tenir à une ligne pragmatique, c’est-à-dire demander une « inclusion » progressive de Mayotte à la COI à travers des programmes de coopération notamment sur la santé. Mayotte, département le plus pauvre de France, présente d’énormes fragilités, avec une importante pression migratoire en provenance des Comores et les effets du cyclone Chido, le plus dévastateur depuis quatre-vingt-dix ans, qui a mis à terre son économie en décembre.