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C’est un vieux monsieur, mais qui récite dans un français impeccable la Chanson d’automne, de Paul Verlaine, alors qu’on le retrouve devant un garage dans le Queens, à New York. Il pleut à verse mais, vêtu d’une veste de costume sur un pantalon de jogging d’un rouge éclatant, et de rutilantes sneakers, Lloyd Kaufman aspire à tout sauf à verser des sanglots longs sur sa carrière alors qu’il vapote comme un galopin à 78 ans passés, ce que son médecin lui proscrit strictement.
L’enseigne des lieux indique qu’on est certes administrativement à New York mais qu’on se trouve en réalité à Tromaville. C’est ici, dans cet immeuble en brique d’un étage que sont nichés les studios, entrepôts et bureaux d’une maison de production qui va fêter ses 50 ans d’indépendance en 2024. Et pour certains cinéphiles, amateurs de bobines ne lésinant pas sur l’humour « pipi-caca-prout », cette pancarte tient la dragée haute à Hollywood.
Sur la porte du garage, un pochoir délavé présente Toxie, la mascotte des lieux, un monstre borgne, tenant une serpillière. Toxic Avenger, quatre opus au compteur depuis 1984, est LA franchise de Troma. Elle narre les exploits d’un adolescent boutonneux, homme de ménage d’un club de gym devenu surhomme au contact de déchets radioactifs. Un remake doit sortir sur les écrans cette année. Peter Dinklage, star de Game of Thrones, tient le rôle-titre de cette prometteuse production. « C’est chic et ça nous a rapporté un peu de sous », résume le papa dudit Toxie entre deux taffes.
« Il y a toujours un message politique »
C’est en 2009 que son studio a traversé l’East River pour s’installer dans cette zone franche. On a beau être déjanté, on n’en a pas moins le sens des affaires. A l’époque, la revente du siège historique de Hell’s Kitchen (Manhattan) a peut-être heurté quelques nostalgiques, mais elle a permis à Troma de renflouer ses caisses. Issu d’une famille de la haute société new-yorkaise (il insiste lui-même sur le qualificatif « Bourgeois », avec une majuscule), Lloyd Kaufman a financé une bonne part de son aventure grâce à une activité fructueuse de boursicoteur. Une sorte de Robin des bois, en somme, qui a mis Wall Street au service d’un art d’un genre bien particulier.
A l’intérieur du bâtiment s’entassent les vestiges d’un demi-siècle de productions toutes plus provocatrices et outrancières les unes que les autres. Tel un enfant parmi ses jouets, leur créateur s’extasie devant une affiche, un bout de décor ou un élément de costume, voire un… poulet godemiché rescapé de Poultrygeist (2006), son improbable comédie musicale contre l’industrie de la « malbouffe ». « Il y a toujours un message politique dans nos films, mais les gens mettent du temps à s’en apercevoir, ils restent sur le côté potache et graveleux. »
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