Broder est une discipline de patience, un art de l’ornement et de la représentation qui affirme des choix autant que des motifs chargés de fixer la mémoire, de lui assigner un refuge, matériel et fragile. Coton, soie ou laine, or ou argent, le fil établit le récit, articule souvenirs et inventions, sans que le support importe vraiment. Mais broder, c’est aussi à l’oral ajouter des détails, des circonstances peut-être imaginaires à une histoire pour l’enrichir, l’embellir, lui conférer une dimension inédite où le vrai compte moins que la séduction à l’œuvre.
Pascal Monteil le sait, et il respecte scrupuleusement le double contrat qu’il fait sien quand, parti pour l’Inde en nomade, il a la révélation que les brodeurs aux yeux grands ouverts, droits, sereins et attentifs, disent au plus juste le monde. Aussi l’artiste qui, jusque-là, travaillait en architecte au montage savant de photographies et de peinture, décide-t-il de se réclamer de cette confrérie invisible et adopte l’aiguille et le fil de laine. Il ne concède à ses origines gardoises que la toile de chanvre, qu’il élit comme support pour les narrations qu’il imagine en amont de sa pratique artisanale.
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