Elle se répète pour qu’on la croie. En pleurs, cette Sri-Lankaise a peur d’oublier le visage de son fils de 10 ans, resté au pays. « J’oublie tout ce que je fais. Pourquoi ça m’arrive ? », lance la quadragénaire en anglais, montrant son poignet couvert de pense-bêtes. L’infirmier, qui la suit et la rassure, s’éclipse pour chercher une collègue. La psychiatre Maria Vittoria Carlin écoute à son tour la patiente – arrivée en France en 2024 et qui redoute d’en être expulsée – puis lui saisit la main : « Votre cerveau est trop stressé, il n’en peut plus. »
La scène se déroule dans l’unité Consultation d’accompagnement psychiatrique et social (Capsys), lancée en mars 2021, du Groupe hospitalier universitaire psychiatrie & neurosciences de Paris. Situé dans un bâtiment discret du 1er arrondissement, ce service est exclusivement dédié à la santé mentale des migrants en situation de précarité en Ile-de-France, qu’ils soient demandeurs d’asile, réfugiés ou sans-papiers.
Trois psychiatres, une psychologue, un infirmier, tous accompagnés d’interprètes, si nécessaire, y reçoivent – avec ou sans rendez-vous –, du lundi au vendredi (sauf le mercredi), une trentaine d’exilés venus le plus souvent d’Afghanistan, mais aussi de Guinée, du Soudan, ou encore d’Ukraine. Les écouter, saisir leurs tourments, les soigner : telle est la mission de ce dispositif du secteur public financé par l’agence régionale de santé Ile-de-France. Ici, pas de carte Vitale et son accès est gratuit. Le Monde a assisté à plusieurs consultations.
« Le désespoir d’une population invisible »
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