Au premier jour de la compétition vénitienne, jeudi 29 août, deux films sont sortis de leurs box et ont fait leur galop. D’un côté, le trop conventionnel Maria, drame sur les derniers jours de la cantatrice Maria Callas (1923-1977), du Chilien Pablo Larrain, habitué des grands festivals et des biopics – Maria est son cinquième, après Neruda (2016), Jackie (2016), Spencer (2021), sur Lady Di, et Le Comte (2023), sur le dictateur Pinochet. De l’autre, le sensuel et bizarre El Jockey, de l’Argentin Luis Ortega, né en 1980, connu notamment pour L’Ange (2019), présenté à Cannes à Un certain regard. El Jockey nous conte la réinvention d’un homme, jockey (Nahuel Perez Biscayart) exploité par une petite bande de brutes, puis trouvant d’insoupçonnables forces pour changer son destin, tel un héros kaurismakien survolté.
Dans Maria, Angelina Jolie réussit à émouvoir, ses traits sont assez différents de ceux de la Primadonna, elle ne cherche pas à l’imiter, mais travaille plutôt sa prestance et son insondable mélancolie. La cantatrice est désespérée de ne plus retrouver sa voix, et ne se remet pas de son chagrin d’amour – le richissime Onassis est parti avec Jackie Kennedy, qu’il a épousée. Reste que la mise en scène léchée de cette dépression confine parfois à l’imagerie chic, comme ce plan en contre-plongée d’Angelina Jolie, effondrée au milieu de ses innombrables sacs…
La caméra se tient d’abord à distance des personnages secondaires, comme pour ménager ses effets. Alba Rohrwacher joue la cuisinière aux petits soins, Pierfrancesco Favino l’homme d’intendance dévoué, et Vincent Macaigne le médecin inquiet.
Un voile poussiéreux
La dernière semaine de la Callas, avant qu’on ne la retrouve morte dans son salon, se joue en plusieurs actes, entre la splendeur de son domicile parisien et ses rendez-vous à l’extérieur, répétitions avec un pianiste, interviews avec un journaliste (le délicat acteur australien Kodi Smit-McPhee). Le principal écueil du film résidait dans le chant : comment faire revivre la voix de la diva ? Angelina Jolie doit-elle chanter ou pas ?
Pablo Larrain s’en tire plus ou moins habilement, brouillant les pistes, en faisant le choix de mêler constamment les images d’archives (Callas vue de loin, chantant sur scène) et les rushs du film, lesquels sont faussement vieillis, comme recouverts d’un voile poussiéreux, ce qui n’est pas du meilleur effet. Au sein d’une même séquence, on passe ainsi d’un extrait de vieux concert à une scène tournée avec l’actrice américaine, le personnage revivant des souvenirs, ou ayant des visions, ses pilules aidant. Le pari s’avère efficace. Angelina Jolie, qui a pris des cours de chant pour le rôle, peut ainsi pousser la voix sans craindre le ridicule, puisqu’elle incarne une cantatrice défaite, ayant perdu ses prodigieuses envolées vocales.
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