La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé vendredi 6 décembre avoir conclu les négociations sur l’accord entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur lors du 65e sommet du bloc latino-américain à Montevideo (Uruguay). Cette nouvelle étape ne signe pourtant pas tout à fait la fin des discussions, commencées il y a vingt-cinq ans. Car avant d’entrer en vigueur, le traité de libre-échange devra être présenté dans les prochains mois au Conseil européen, où les vingt-sept pays membres de l’UE devront s’exprimer, puis au Parlement européen.
La présence dans l’accord de dispositions non strictement commerciales, empiétant sur les compétences des Etats membres, imposerait normalement une procédure de ratification nécessitant le feu vert des Vingt-Sept à l’unanimité, puis l’approbation du Parlement européen et de l’ensemble des parlements nationaux des pays membres. La France aurait donc la possibilité d’opposer, seule, son veto.
Mais pour contourner cette difficulté, la Commission européenne envisage de couper l’accord en deux. Elle séparerait ainsi le volet coopération, qui pourrait être sacrifié, du volet commercial, qui tomberait sous la compétence exclusive de l’UE : sa ratification ne nécessiterait dès lors qu’un vote à la majorité qualifiée (au moins quinze pays, représentant au moins 65 % de la population européenne), ce qui priverait Paris de son droit de veto.
L’opposition de l’Italie pourrait changer la donne
Dans ce scénario, la France devrait donc, pour empêcher cet accord, réunir une minorité de blocage, en ralliant au moins quatre Etats membres représentant plus de 35 % de la population européenne. Or, Paris est apparu isolé ces derniers mois. Car même si la Pologne, l’Autriche, les Pays-Bas et l’Irlande ont régulièrement exprimé leurs inquiétudes vis-à-vis du texte, leur poids ne serait pas suffisant pour empêcher le vote. Mais l’Italie pourrait bien changer la donne si elle rejoint le camp du non, comme l’ont laissé entendre des proches du gouvernement de Giorgia Meloni : il suffirait alors à Rome et Paris de rallier deux ou trois pays supplémentaires pour bloquer l’accord.
Si une minorité de blocage solide se constitue rapidement, il se pourrait même que le texte ne soit pas présenté au vote. « La Commission et le Conseil n’ont pas pour habitude d’y présenter des textes qui seront rejetés », relève Maxime Combes, économiste à l’Aitec et coanimateur du collectif Stop Mercosur. Si tel est le cas, l’accord ne serait pas ratifié et les négociations pourraient soit reprendre, soit être abandonnées… « On entre en terre inconnue, assure M. Combes. Jamais un accord de libre-échange n’avait été aussi contesté. Ce cas de figure n’était pas prévu par les fondateurs de l’UE, pour qui les ratifications des accords de libre-échange étaient quasiment automatiques. »