« Je suis de mon enfance comme d’un pays », écrivait Saint-Exupéry. Alors imaginez un pays où la tendresse est souvent inexistante, où la parole des enfants est si souvent négligée, et enfin où il vous est interdit de rêver car, à l’adolescence, on vous met à la rue. Ce pays, il existe. Il existe en France. Il a près de 400 000 habitants, ce sont nos enfants, ce pays s’appelle l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Plus connue du grand public sous son ancien acronyme DDASS (direction départementale des affaires sanitaires et sociales), l’ASE vise à apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux jeunes de moins de 21 ans, confrontés à des dangers risquant de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique. Une aide sociale ? Oui, mais une aide qui s’interrompt au moment où l’on en a le plus besoin. Cette définition concentre en son sein même toute la fragilité d’un système : celle de ne pas accompagner ces jeunes vers l’insertion totale au sein du corps social.
Le constat est aujourd’hui sans appel. Un quart des sans-abri est issu de l’ASE, révélant un criant manque d’accompagnement vers le logement. Environ 15 000 enfants sont livrés à eux-mêmes le jour de leurs 18 ans par les services sociaux, avec un maigre bagage de 885 euros en poche. Les pouvoirs publics osent demander à des jeunes qui ont quatre fois plus de difficultés, car quatre fois plus de chances d’être déscolarisés, d’être autonomes à 18 ans, beaucoup plus tôt que le reste des jeunes Français, qui quittent le domicile familial vers 25 ans.
Réformer le système en profondeur
Laisser ces jeunes sans accompagnement à leurs 18 ans est un immense gâchis : social d’abord, car 45 % n’ont ni emploi ni formation à 18 ans, contre seulement 27 % lorsqu’ils sont accompagnés jusqu’à 21 ans ; financier aussi, avec un investissement qui se compte en milliards mais s’arrête trop tôt pour porter ses fruits sur le long terme ; et surtout humain, en livrant à eux-mêmes des jeunes que les pouvoirs publics ont retirés à leur famille pour justement leur apporter soutien et protection.
Ne pas proposer d’accompagnement jusqu’aux 21 ans est par ailleurs parfaitement illégal et cela concerne aujourd’hui 50 % des cas. Il est temps que l’Etat assume son rôle régalien et fasse appliquer la loi pour protéger ces enfants et punir les contrevenants. Nous devons urgemment adopter une nouvelle politique d’insertion focalisée sur les mille derniers jours avant les 18 ans.
Si nous sommes optimistes quant à la possibilité de réformer le système en profondeur, l’heure est à l’action. Concrètement, nous proposons six mesures fortes. A partir du modèle des « 1 000 premiers jours de l’enfant » créé en 2019, nous proposons d’établir une politique des « 10 00 derniers jours avant la majorité » permettant d’offrir aux enfants confiés, de leurs 15 ans à leurs 18 ans, un accompagnement holistique vers l’autonomie.
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