Sous pression depuis deux semaines dans l’affaire de Notre-Dame de Bétharram, François Bayrou a répété à plusieurs reprises, à l’Assemblée nationale et dans la presse, n’avoir « jamais été informé », dans le passé, des faits de violences infligés aux élèves de l’établissement catholique béarnais. Dans une vidéo diffusée, jeudi 20 février, par Mediapart, une ancienne enseignante de l’établissement catholique béarnais affirme de nouveau que l’actuel premier ministre et son épouse ont ignoré ses alertes à ce sujet dans les années 1990.
Professeure de mathématiques de 1994 à 1996, à l’époque où une première plainte est déposée par un parent d’élève, et où M. Bayrou était ministre de l’éducation, elle lui « fait un courrier » et n’obtient pas de réponse, réitère Françoise Gullung. Au début de février, elle avait dit à l’Agence France-Presse avoir alerté à plusieurs reprises les autorités (protection de l’enfance, diocèse) pour « dénoncer une atmosphère d’agressivité et de tensions anormales ».
Dans l’entretien accordé à Mediapart, elle raconte une scène avec Elisabeth Bayrou, qui enseignait le catéchisme à l’époque dans l’établissement, où plusieurs enfants du couple ont été scolarisés. « Il y avait une salle de classe dans laquelle on entendait un adulte hurler sur un enfant, on entendait les coups et on entendait l’enfant qui suppliait qu’on arrête », se souvient-elle.
« Je me retourne vers Elisabeth Bayrou et je lui demande ce qu’on peut faire. Pour moi ça veut dire qu’à deux, on peut peut-être ouvrir la porte. Mais elle n’a pas compris ça. Elle m’a simplement répondu, je ne me souviens pas des termes exacts, mais que ces enfants, il n’y en avait rien à en tirer », ajoute Mme Gullung. « J’avais l’impression que pour elle, ces enfants-là étaient d’une espèce inférieure aux siens […], que c’était normal qu’on les batte. » Elle évoque aussi un jour de 1995, où elle fait part à François Bayrou de ses inquiétudes, de vive voix, lors d’une cérémonie à Pau. « Je lui dis qu’il faut faire quelque chose car c’est très grave ce qui se passe à Bétharram. Et il lui répond : “Oui, on dramatise.” »
Commission d’enquête parlementaire
Une commission d’enquête parlementaire sur le contrôle par l’Etat des violences dans les établissements scolaires a été officiellement créée, dans le sillage de ces dénonciations. Mercredi, les membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avaient voté unanimement pour la constituer.
Après notification de cette demande au gouvernement et aux présidents des groupes politique, aucune opposition n’a été signalée dans le délai imparti, et la demande est donc considérée comme actée, ont confirmé des sources parlementaires à l’Agence France-Presse. La commission des affaires culturelles, présidée par la socialiste Fatiha Keloua Hachi, « est dotée des pouvoirs de commission d’enquête pour un délai de six mois, à partir de demain », a précisé la députée. La commission enquêtera sur « les modalités du contrôle par l’Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires », privés et publics.
« Les pratiques éducatives maltraitantes et les violences et agressions sexuelles font honte à l’humanité », a réagi, de son côté, la Conférence des évêques de France (CEF). « Elles abîment tout enseignement, et spécialement l’enseignement catholique, et doivent y être dénoncées avec force, tout comme celles et ceux qui en seraient victimes doivent être entendus, soutenus, protégés et accompagnés. »
Exprimant « son émotion et sa proximité » avec les victimes, la CEF a qualifié de « faits graves » et « en contradiction totale avec l’esprit de l’enseignement catholique » les violences physiques et sexuelles perpétrées au sein de l’établissement.