Deux juges d’instruction ont renvoyé aux assises spéciales 17 personnes suspectées d’avoir importé de la Colombie vers la France 22 tonnes de canne à sucre imprégnée de cocaïne en 2022, parmi lesquels le cerveau présumé de ce réseau, a appris l’Agence France-Presse (AFP) de source proche du dossier, lundi 21 juillet. Dix des accusés sont actuellement détenus, tandis que trois autres font l’objet d’un mandat d’arrêt.
Ce dossier complexe, surnommé « Canne à sucre », lie un groupe spécialisé dans le blanchiment que dirigerait Mourad Douadi – un Algérien de 45 ans cerveau présumé du réseau, en fuite et possiblement localisé à Dubaï – et un autre groupe spécialiste dans le trafic transnational de stupéfiants qu’aurait coordonné Adalberto Patino Pareja, Colombien de 65 ans, en détention provisoire en France.
Selon la source proche du dossier citée par l’AFP, l’ordonnance de mise en accusation signée le 2 juillet a fait l’objet d’un appel, et la cour d’appel de Paris sera amenée à se prononcer prochainement sur les charges. Si cette dernière confirme une audience, celle-ci se tiendra devant la cour d’assises spécialement composée, et M. Douadi sera jugé par défaut notamment pour direction d’un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants, un crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité.
Fraude découverte lors du Covid-19
L’enquête a débuté par un signalement début 2021 de l’inspection du travail contre une société qui aurait fraudé le dispositif d’aide au chômage partiel pendant la pandémie de Covid-19.
De découvertes en découvertes, les enquêteurs du service d’enquêtes judiciaires des finances (douanes) puis de l’Office anti-stupéfiants pensent avoir mis à jour un premier réseau affecté à la logistique, basé sur une myriade de sociétés et dont le cerveau serait Mourad Douadi. Celui-ci a déjà été condamné en 2018, avec 35 autres prévenus, dans le volet le plus spectaculaire de la fraude dite à la taxe carbone, 385 millions d’euros détournés au fisc français.
L’autre filière, colombienne, aurait permis ou tenté de permettre l’importation de stupéfiants, et serait liée à l’un des plus puissants cartels du pays, le clan del Golfo.
Une vague d’interpellations a eu lieu au printemps 2022, au moment où une livraison arrivée en France devait filer en Espagne pour être traitée par l’équipe de Colombiens surnommés les chimistes ou les cuisiniers. Ces derniers auraient eu pour mission d’« extraire » de la cargaison de 22 tonnes de canne à sucre une quantité de cocaïne se chiffrant possiblement en centaines de kilos.
La justice lie aussi à ces deux filières la saisie à Carthagène (Colombie) en 2021 d’une cargaison de 600 kilos de cocaïne dissimulés dans 75 tonnes de sable destinée au Havre ; ou encore deux saisies de 200 kilos, à chaque fois, de méthamphétamine aux Pays-Bas et en Allemagne, soit une valeur estimée à 88 millions d’euros.