Le scandale des pneus défectueux se poursuit. Goodyear Operations SA, une filiale de la multinationale américaine, soupçonnée d’avoir produit les pneus à l’origine d’accidents de camion mortels en France, a annoncé, mardi 13 mai, avoir été mise en examen à l’issue d’une première journée d’audition.
Le représentant légal de la filiale, qui a produit les pneus incriminés et dont le siège est au Luxembourg, a été convoqué mardi par un juge d’instruction de Besançon dans le cadre d’une enquête ouverte pour « homicides involontaires », « tromperie sur les qualités substantielles d’une marchandise » et « pratiques commerciales trompeuses ».
Ces deux derniers chefs feraient encourir au troisième fabricant mondial de pneus « une amende maximale qui peut monter jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires », avait souligné en avril dernier le procureur de Besançon, Etienne Manteaux, qui a depuis quitté Besançon.
« Goodyear Operations apportera sa pleine coopération dans le cadre de cette instruction », a assuré une porte-parole de la multinationale à l’Agence France-Presse.
Le représentant d’une deuxième entité de Goodyear, la SAS Goodyear France, distributrice des pneumatiques dans l’Hexagone, est pour sa part convoqué mercredi devant le magistrat bisontin dans le cadre de la même affaire.
Pratique de « dissimulation »
L’enquête porte sur trois dossiers de collisions mortelles impliquant des poids lourds équipés de pneus Goodyear dans la Somme, le Doubs et les Yvelines, en 2014 et 2016, qui ont fait quatre morts au total. Elle a donné lieu en mai 2024 à des perquisitions chez Goodyear en France, au Luxembourg et au siège européen de l’entreprise à Bruxelles.
D’après les investigations, les accidents ont été provoqués par l’éclatement du pneu avant gauche des camions, faisant perdre le contrôle de leur véhicule aux chauffeurs. Pour chacun de ces dossiers, des experts différents ont conclu que l’éclatement de ces pneus Goodyear Marathon LHS II ou Marathon LHS II + n’était pas dû à une cause extérieure, mais à un défaut de fabrication.
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Certains de ces pneus « sont encore proposés à la vente sur le marché de l’occasion, puisque le groupe Goodyear n’a jamais mis en œuvre de campagne de rappel de ces pneumatiques », selon le procureur.
M. Manteaux a fustigé une pratique « systémique de dissimulation » destinée à ne pas « induire de perte de confiance chez les consommateurs ». Les accidents auraient « peut-être » pu être évités si l’entreprise avait enclenché un programme de rappel, selon lui.
« Goodyear doit répondre au juge d’instruction à une question simple : savait-il ? Et s’il savait, pourquoi rien n’a été fait pour retirer du marché leurs pneumatiques et ainsi éviter ces drames ? », s’est interrogé mardi dans un communiqué M. Philippe Courtois, l’avocat de Sophie Rollet, veuve d’un chauffeur routier qui a révélé l’affaire à la justice.