Dans un arrêt rendu jeudi 22 août, la cour d’appel de Paris a confirmé le caractère « irrecevable » de l’action menée devant la justice française contre Bayer-Monsanto et treize autres groupes agrochimiques qui ont fourni à l’armée américaine de l’« agent orange ». La procédure avait été lancée par Tran To Nga, une ancienne enseignante Franco-vietnamienne de 82 ans exposée en 1966 à ce défoliant ultratoxique. « Les demandes de Mme To Nga se heurtent à l’immunité de juridiction dont les sociétés (…) bénéficient », écrit la cour d’appel dans son arrêt.
L’octogénaire, qui a appris la décision de Hô Chi Minh-Ville, compte se pourvoir en cassation, ont annoncé ses avocats, William Bourdon et Bertrand Repolt. Elle est « déçue, mais c’est une personne pleine de sagesse. Elle sait que c’est une bataille longue, difficile », ont-ils déclaré à l’Agence France-Presse.
Utilisé par l’armée américaine pour détruire les forêts vietnamiennes qui ont protégé les combattants de la guérilla communiste vietcong, l’« agent orange » a fait « plus de 3 millions de victimes », selon l’association Vietnam Dioxine.
Tran To Nga souffre de « tuberculoses à répétition, d’un cancer et d’un diabète de type II », dénonce Vietnam Dioxine. Sa fille, née en 1969, est morte d’une malformation cardiaque au bout de « dix-sept mois », précise le collectif, en ajoutant que ses deux autres filles et ses petits-enfants sont atteints de « pathologies graves ».
Aux Etats-Unis, si des vétérans ont été indemnisés par certaines entreprises sans qu’un procès ait lieu, la justice a débouté en 2005 une association vietnamienne de victimes au motif que l’« agent orange », qui tient son nom de la couleur du bandeau peint sur les barils contenant ce défoliant, était un herbicide et non une arme chimique.
Mme Nga s’est tournée vers la justice française. En 2021, elle a été déboutée par le tribunal d’Evry (Essonne). Ce dernier s’était déclaré incompétent pour traiter sa plainte contre les géants agrochimiques, dont Bayer-Monsanto, Dow Chemical et Hercules, en estimant que les sociétés avaient « agi sur ordre et pour le compte de l’Etat américain » et qu’elles pouvaient, de ce fait, se prévaloir de « l’immunité de juridiction ».