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Dans Ma vie ma gueule, comédie dépressive qui fait l’ouverture de la Quinzaine des cinéastes, Agnès Jaoui campe un alter ego de la réalisatrice du film, Sophie Filières, cinéaste à la fantaisie intranquille disparue le 31 juillet 2023, avant même qu’elle ne puisse travailler au montage de son film. Funeste coïncidence, pour l’artiste, que la fatalité contraint depuis quelques années à porter le deuil. Celui de son compagnon de vie et d’écriture, Jean-Pierre Bacri, en compagnie duquel elle a signé ses plus remarquables succès comme scénariste et actrice (Cuisine et dépendances, Un air de famille, On connaît la chanson), ajoutant sa qualité de réalisatrice dans son premier long-métrage, Le Goût des autres (2000). Mais aussi celui de membres de sa famille, assassinés durant les massacres du 7 octobre 2023 en Israël.
A 59 ans, l’écriture comme suspendue, la vie comme assombrie, cette femme d’une vitalité tellurique se recentre ainsi sur une carrière d’actrice dont les rôles expriment, tel celui qu’elle a encore récemment tenu dans Le Dernier des juifs, de Noé Debré, la souffrance diffuse qu’elle tente d’exorciser.
Vous incarnez dans le film de Sophie Fillières une héroïne dont le rapport tant à son propre désir qu’à celui de la réalité laisse à désirer. Vous reconnaissez-vous dans cet accommodement compliqué au monde qui vous entoure ?
Cela peut m’arriver, en effet. Mais j’ai d’abord ressenti très fortement que je l’incarnais elle. Ses amis, ses broches et ses bagues qu’elle me donnait tous les matins et que je lui rendais tous les soirs. D’ailleurs, en voyant le film, surtout la première partie, je ne me reconnais pas, je la vois elle. Cette façon de marcher au bord du gouffre, en trouvant malgré tout de la vie et de la gaieté. Il y a un élan vital chez elle.
Saviez-vous que la réalisatrice était malade en tournant le film ?
Oui, nous étions quelques-uns à le savoir évidemment, le tournage avait été repoussé. Mais nous n’en parlions pas sur le plateau. La volonté de tous, c’était que le film se fasse coûte que coûte. Sophie était très entourée, elle avait des amitiés très solides. Il y a eu comme une conjuration pour le terminer.
N’est-ce pas une étrange situation de porter aujourd’hui le film en son absence ?
Evidemment. Cette projection à Cannes va être émotionnellement très chargée. Et, en même temps, il y a eu une telle solidarité pour finir le film en son absence, avec ses enfants, il y a un tel soutien de la Quinzaine des cinéastes et de tous ses amis, je ne sais pas comment dire, c’est un peu comme si elle était encore là.
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